Tribune de Jean-Luc Alexandre, Président-Directeur Général de Naarea
Depuis ses origines, l’Europe économique, puis politique, s’est surtout construite en réaction à un environnement souvent hostile. Elle a ainsi répondu aux défis qu’elle rencontrait. Elle l’a fait en réagissant aux drames subis (les guerres) et aux difficultés rencontrées (réindustrialisation par le charbon et l’acier, politique agricole pour son indépendance alimentaire, monnaie commune, puis unique, pour répondre au dollar, marché unique pour s’élever au rang de grande puissance économique ou encore création d’Airbus pour concurrencer Boeing). Cette réactivité a produit l’un des espaces les plus enviés du monde, tant par son niveau de vie que pour son degré de protection sociale. Jusqu’à présent néanmoins, elle n'a jamais provoqué un choc d’offre mondial de même ampleur que ceux dont au cours du XXe siècle les Etats-Unis ont été les promoteurs, et qui ont structuré le développement économique (automobile, aviation, recherche spatiale, numérique, nucléaire conventionnel). Aujourd’hui, elle peut engendrer un tel mouvement, à partir d’une révolution technologique majeure, le nucléaire de quatrième génération. Un domaine dans lequel l’Europe dispose d’atouts déterminants.
Le Vieux continent, comme le reste du monde, est de nos jours confronté à un effet ciseau : le dérèglement climatique, d’un côté, des besoins énergétiques croissants, de l’autre. Le premier facteur invite à la réduction d’une croissance tous azimuts, tant l’influence de l’activité humaine sur les phénomènes écologiques mondiaux est désormais mise en cause ; le second appelle au contraire à la création de nouvelles richesses, pour lutter contre les inégalités et la pauvreté, sources historiques de conflits meurtriers. Or, les 17 objectifs du développement durable établis par les Nations Unis et inscrits à l’agenda 2030 pour « assurer la paix et la prospérité pour les peuples et la planète » dépendent de l’énergie, élément transversal qui les touche tous à des degrés divers. Celle-ci peut aider à la paix, en évitant de redoutables rivalités dans le même temps où elle concourt puissamment à la prospérité. Pas l’énergie qui tue, mais celle qui procure lumière et chaleur sans blesser la nature (décarbonée) et même en la réparant.
Combiner l’ambition d’un développement durable et d’une abondance énergétique à bas coût, propre, peut paraître fou en ces temps où le pessimisme domine les esprits, où la décroissance se présente comme un horizon indépassable, où les destructions causées par un modèle économique dévastateur semblent irréversibles. Pourtant, le nouveau nucléaire, celui qui est de couleur verte, permet de concilier ces deux attentes opposées. Cela n’a pas échappé aux Américains, aux Canadiens, aux Chinois, aux Russes, aux Coréens, et aux Français. Parmi ceux qui sont le plus en avance dans le monde, ce sont précisément ces derniers. Et notamment une start-up créée en 2019 dont l’essor est fulgurant : NAAREA.
Cette société a conçu et développe un micro-générateur capable de produire quelques dizaines de mégawatts de chaleur et d’électricité à partir de combustibles nucléaires usagés. Autrement dit, elle n’a pas besoin d’extraire quoi que ce soit du sol ou du sous-sol et, par l’éradication des déchets radioactifs de vie longue qui existent en grande quantité, elle contribue à nettoyer la planète. Sa technique originale lui permet de décentraliser sa production et d’installer des « centrales de poche » de la taille d’un semi-remorque, à proximité de ses clients (industriels, collectivités locales, secteurs spécifiques). Ces implantations ne peuvent pas donner lieu à des explosions, n’utilisent pas d’eau, ont une autonomie de plusieurs années, peuvent être raccordées ou non au réseau de distribution d’électricité, et offrent un service à un prix non volatile inférieur à toute autre énergie. Des séries de telles centrales seront en service d’ici 2030. C’est demain. Avec l’appui des pouvoirs publics européens, l’UE peut devenir le grand gagnant des années qui viennent.
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