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« Say On Climate : les actionnaires ne peuvent plus être tenus à l’écart »

Alexandre HOLROYD, député de la troisième circonscription des Français établis hors de France (Renaissance)





Le Say On Climate, petit frère du Say On Pay qui soumet la rémunération des dirigeants des sociétés cotées au vote de leurs actionnaires depuis la loi Sapin II (2016), désigne l’instauration d’un vote obligatoire mais non contraignant, à la différence de son ainé, des actionnaires sur la stratégie climat et durabilité des sociétés cotées. Dans le cadre de l’examen du projet de loi relatif à l’industrie verte, vous avez déposé un amendement, adopté en première lecture avant d’être retiré à l’approche de la réunion de la commission mixte paritaire, qui prévoyait sa généralisation. Pouvez-vous revenir sur l’élaboration de cet amendement ? 


La finance verte est un sujet pour lequel j’ai un intérêt prononcé puisque j’y consacre nombre de mes travaux parlementaires depuis mon arrivée à l’Assemblée nationale. En sus de mon siège au sein de la commission des finances et à la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, j’ai rédigé un rapport préconisant de Choisir une finance verte au service de l’Accord de Paris (2020) à la demande du Premier ministre Édouard Philippe. 


Depuis la remise de ce rapport en 2020, l’intérêt pour la finance verte s’est répandu au-delà des seuls initiés, notamment sous l’effet de certaines directives bien connues comme la Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD). C’est désormais un sujet présent dans le débat public et je m’en réjouis. 


Surtout, il est important d’impliquer tous les acteurs dans le choix d’une finance verte et cela passe aussi par la démocratie actionnariale. C’est pourquoi, devant une demande croissante du monde associatif et des investisseurs responsables, je suis convaincu qu’il nous faut faciliter le dépôt de résolution, c’est-à-dire la capacité des actionnaires à influer et peser sur la direction des entreprises à travers les assemblées générales. Cela dit, cela doit se faire dans le respect du cadre français qui est, pour des raisons tenant essentiellement à la protection face aux fonds activistes, très protecteur du conseil et de la direction des entreprises. Ce dernier point explique pourquoi l’amendement que je portais prévoyait un vote uniquement consultatif des actionnaires sur la stratégie climat et durabilité des entreprises. 


Il me semble que le climat est un enjeu d’une telle importance, y compris pour la valorisation et l’attractivité des entreprises françaises, que les actionnaires ne peuvent plus être tenus à l’écart. 


Précisément, les organisations patronales s’opposaient à la généralisation du Say On Climate au nom de la défense de l’attractivité de la France. Comment avez-vous perçu cette opposition ? 


Mettre en avant le risque d’effets néfastes d’une intervention du législateur sur l’attractivité des entreprises françaises est un procédé récurrent. Seulement, en l’espèce, il est particulièrement déplacé puisque la place de Paris est l’une des places les plus protectrices des directions des entreprises devant leurs actionnaires. En outre, des grands groupes français, dont certains ont des empreintes environnementales très lourdes à l’instar de Total Énergies, ont d’ores et déjà adopté le Say On Climate de leur propre chef. 


En réalité, au même titre que l’argument consistant à attendre que le droit européen prévoie un dispositif similaire, l’argument portant sur l’attractivité est d’une faiblesse qui témoigne de la nécessité d’avancer sur ce sujet.


Il ne fait nul doute que la généralisation du Say on Climate deviendra une réalité, notamment sous l’effet de la pression croissante des investisseurs et de l’exigence d’une finance durable. Continuerez-vous à agir en ce sens ?


Je continuerai de porter des amendements en faveur de la généralisation du Say On Climate aussi longtemps que nécessaire, à chaque occasion de le faire.


Le projet de loi de finances 2024 en est-il une ?  


Je ne le pense pas et cela pour deux raisons principales.  


D’abord, un projet de loi de finances ne m’apparait pas comme un outil adapté.  


Ensuite, si nous sommes pragmatiques, la configuration actuelle de l’Assemblée nationale rend très probable le recours, par la Première ministre, à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution sur l’ensemble des textes budgétaires. Dès lors, puisque le Gouvernement est hostile à la mesure et qu’il détient une mainmise totale sur l’écriture du texte, il est vain de la défendre à cette occasion.


Le moment venu, l’adoption du Say On Climate succèdera à celle du Say On Pay. Êtes-vous également en faveur de la mise en place d’un Say On Gouvernance afin que chaque pilier de l’ESG fasse l’objet d’une résolution ? 


Je suis convaincu que le Say On Climate est une nécessité criante, non seulement parce que le dérèglement climatique représente un risque existentiel pour l’humanité mais aussi car nous sommes désormais capables de quantifier très précisément l’empreinte carbone de chaque entreprise.


Les enjeux ayant trait au social et à la gouvernance sont tout aussi importants. Cependant, il est bien plus difficile de quantifier l’impact de chaque entreprise en la matière. Ce sont davantage des approches qualitatives que quantitatives qui prévalent. Or, le monde financier a besoin de données chiffrées pour s’adapter. Si nous ne savons pas quantifier une réalité, la finance se trouve dans l’impossibilité de savoir comment s’en saisir. 


C’est pourquoi je ne suis pas en faveur de l’adoption d’un Say On Gouvernance. À mon sens, en matière d’enjeux sociaux et gouvernementaux, les marchés financiers ont un rôle moindre à jouer et c’est au législateur d’agir comme un régulateur en imposant des normes en la matière.

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