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Redonner à la proximité territoriale le rôle de rétablir la confiance

Interview de Gregory Berkovicz, avocat et auteur de « Pour une France fédérale, plaidoyer pour une VIe République des territoires » (éditions de l’Archipel, 2022)




Vous venez de publier un livre intitulé « Pour une France fédérale, plaidoyer pour une VIe République des territoires » (éditions de l’Archipel, 2022). Dans la préface de votre ouvrage, Jean Louis Borloo affirme qu’il « est temps de rétablir la confiance entre tous les acteurs de notre pays ». A l’aune des résultats des dernières élections législatives, cette phrase n’est-elle pas aujourd’hui d’une criante actualité ?


Le quinquennat et l’inversion du calendrier sont supposés imposer aux Français de doter le président nouvellement élu d’une majorité stable. Mais effectivement, c’est exact, aujourd’hui, il y a une absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale des candidats de la majorité présidentielle, qui constitue un véritable signe de défiance des électeurs, non seulement vis-à-vis du Président mais surtout vis-à-vis des institutions.


Si la Ve République n’est même plus garante de la stabilité, alors il est temps de changer le régime.


Mais la crise de confiance des citoyens vis-à-vis de l’Etat et des politiciens se traduit aussi par l’abstention. La moitié des électeurs ne se déplace même plus pour élire les députés.

Enfin, la crise de confiance est aussi celle des territoires vis-à-vis de l’Etat, qui est profonde et dont le récent recours de l’AMF contre les décrets « zéro artificialisation nette » n’est qu’un symptôme de plus.


Pour résoudre cette crise, la voie du fédéralisme semble finalement la plus naturelle et la plus sage : redonner à la proximité territoriale le rôle de rétablir la confiance dans les institutions de notre pays.


Vous plaidez dans votre ouvrage pour une « République fédérale », placée sous le signe de la diversité et de la proximité. Qu’entendez-vous par là ? Est-ce l’antithèse de la « monarchie élective » ?


C’est l’antithèse de la « monarchie présidentielle » qui caractérise aujourd’hui notre régime. Ni parlementaire, ni présidentielle, notre Constitution, à force de modifications, est devenue un monstre juridique.


Mais au-delà du « Président absolu » à sa tête, c’est toute l’administration de l’Etat hypercentralisé qui est la cause de notre incapacité à penser l’avenir, nous adapter aux évolutions du monde et nous réformer.


Liberté et proximité sont les conditions indispensables à la réforme de notre pays.


Vous proposez une 6ème République fédérale. Quels en seraient les grands principes fondateurs ? Quelles modifications institutionnelles entraînerait cette 6ème République ?


Les grands principes seraient d’abord ceux d’un Etat fédéral : des compétences clairement dévolues à chaque échelon territorial : à l’Etat les fonctions régaliennes, aux provinces fédérales, les grandes compétences économiques, sociales et d’aménagement, et aux villes ou regroupements de villes, les compétences du quotidien et de la proximité.


Une particularité du système : chaque province fédérale serait libre d’organiser ses institutions et ses services publics comme elle l’entend, dans le respect de la Constitution fédérale évidemment.


Enfin, cinq principes fondamentaux devront être fixés :

  • la subsidiarité, c’est-à-dire une clause de compétence générale aux niveaux inférieurs,

  • le respect des droits des citoyens protégés à l’échelon supérieur (effet cliquet),

  • l’autonomie fiscale de chaque échelon,

  • la commutativité, à savoir qu’une compétence ne peut être exercée qu’à un seul échelon, mais une ville ou une province peut choisir de renvoyer une compétence au niveau supérieur,

  • Et enfin l’associativité, la possibilité d’exercer une compétence de manière coopérative entre deux échelons.

Vous demandez une vraie autonomie des territoires, affirmant que la décentralisation à la française est un « vrai mensonge ». Pour vous, l’autonomie n’est-elle finalement synonyme que de moyens financiers ?


C’est en tout cas une condition essentielle et nécessaire. Le transfert de compétences, et donc de charges, sans autonomie fiscale et budgétaire, est une tutelle qui ne dit pas son nom. En outre, aujourd’hui, la décentralisation fonctionne uniquement sur décision unilatérale de l’Etat central ; dans la France fédérale, la répartition de compétence est protégée constitutionnellement.


Vous plaidez pour une « débureaucratisation à la Néo-zélandaise ». Qu’est-ce que cela signifie ?


Cela signifie que l’administration publique doit limiter l’étendue de son action et la masse de son personnel aux stricts besoins de l’action publique. Aujourd’hui, le statut de la fonction publique fige la masse salariale des administrations, non en fonction des besoins, mais en fonction de moyens existants. En outre, l’emploi public ne peut pas poursuivre un objectif social et un objectif d’efficience économique. Il faut rompre avec ce tabou français.





D’élargissement en élargissement l’Europe semble s’essouffler, s’étioler, perdant ainsi ses objectifs politiques initiaux. L’État fédéral européen que vous proposez n’est-il pas aujourd’hui anachronique, dépassé par les nouvelles réalités économiques, écologiques, territoriales ?


C’est tout à fait exact ! L’Europe fédérale ne peut pas être une Europe à 27 (ou demain à plus de trente Etats), sans que ne soient constitués des cercles concentriques. Au centre, un noyau dur d’Etats fédérés, puis, des Etats en cours d’entrée dans la fédération, sous réserve du respect de certains conditions, et enfin des Etats associés à la Fédération européenne.


Mais je crois que la crise actuelle en Ukraine démontre plus que jamais un immense besoin d’une Europe de la diplomatie et de la Défense, indépendante des stratégies et de la tutelle américaine, et capable de défendre la souveraineté des Etats européens. Seule une Europe réellement fédérale pourra répondre à ce défi.

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