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« Le temps de l'engagement est venu »

OPINION. Par Brice Soccol, président de Public & Private link


Brice Soccol

Souvenez-vous ce merveilleux film du réalisateur israélien Eran Riklis, « Les Citronniers » dans lequel, Salma, une Palestinienne, est sommée de raser son magnifique champ de citronniers qui menace la sécurité de son nouveau voisin, le ministre de la Défense israélien. Entre Salma et Mira, la femme du ministre, naîtra une complicité allant bien au-delà du conflit israélo-palestinien. Une complicité faite aujourd'hui de douleur et de souffrance que partagent les mères israéliennes et palestiniennes depuis le massacre perpétré par le Hamas et le début de la guerre qui en a découlé.


La date du 7 octobre dépasse ce conflit et s'inscrit dans l'Histoire comme l'illustration de la fin du monde issu de 1945 et le commencement d'une ère nouvelle dans les relations humaines et internationales. Comment ne pas imaginer repenser les grandes institutions internationales, comme l'ONU, qui est en crise aujourd'hui et en manque de légitimité, impuissante à répondre à la complexité du monde et aux nouveaux défis du XXIe siècle ? N'oublions jamais que les Nations-Unies par la résolution 181 du 29 novembre 1947 et la partition de la Palestine - contre l'accord de la population arabe et des dirigeants des pays voisins - ont été à l'origine de la première guerre civile de 1947-1948.


Penser aujourd'hui que les événements tragiques du 7 octobre seraient circonscrits au conflit israélo-palestinien est une erreur. Ils ont révélé au monde que de la survie de l'État d'Israël dépend la survie des mondes libres, en Europe, au Proche-Orient, sur les continents africains, asiatiques... Ils ont révélé les fragilités de nos démocraties, l'horreur de la haine et du désespoir, mais ils ont aussi fait resurgir l'hydre la plus obscure de l'Histoire.


Comment ne pas mentionner et dénoncer cette vision islamiste, antisémite et négationniste d'une partie de l'extrême gauche française ? Celle qui s'inscrit dans l'héritage du philosophe Roger Garaudy, qui, déjà, ne voulait rien entendre de la définition juridique de crime contre l'humanité, affirmant que « le crime n'est ni moindre ni plus grand que l'on ait assassiné neuf millions de Juifs ou un seul ». Une rhétorique reprise par la France Insoumise, le 10 octobre à l'Assemblée nationale, parlant de « crime de guerre » et refusant de nommer l'organisation islamiste Hamas comme « terroriste ».


Comment ne pas être attristé de la France et de ces tourments, quand on attend depuis le 7 octobre que la République s'élève contre l'antisémitisme ? N'oublions pas que le capitaine Dreyfus a dû attendre douze ans (entre 1894 et 1906) avant d'être innocenté, après un procès qui a divisé profondément et durablement la société française. De l'antisémitisme à l'antisionisme radical, l'exportation du conflit israélo-palestinien n'est pas nouvelle...


Souvenons-nous des magasins juifs de la Goutte-d'Or saccagés, aux cris de « à mort, les Juifs », en réaction à la guerre de Gaza en 2014 et de la manifestation qui a dégénéré devant la synagogue de Garges. Dans un article du journal Le Monde en 2012, l'ancien Président du CRIF, Richard Pasquier écrivait :


« Quand pour la première fois depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale des enfants sont tués parce qu'ils sont juifs avec les crimes perpétrés à Toulouse par Mohamed Merah, quand une grenade est lancée en pleine journée dans une supérette casher à Sarcelles (...), cette violence n'est pas indiscriminée (...). C'est au nom de cet antisémitisme qu'Ilan Halimi a été torturé à mort par le Gang des Barbares en 2006. La prise de conscience doit être nationale : cette affaire-là nous concerne tous ».

Aujourd'hui, « quel que soit l'endroit où l'on se trouve, la distance jusqu'aux enfers est strictement la même », écrivait Anaxagore. Quoi qu'en pensent certains angélistes Occidentaux, l'enfer est sur Terre avec toutes ses formes de combat, de destruction, d'oppression et de massacre. Le temps de l'engagement est donc désormais venu ; il requiert de la part de « l'individu démocratique », indépendant, de retrouver le sens du destin collectif. Tocqueville nous avait prévenus :


« Ainsi la démocratie fait oublier à chaque homme ses aïeux (...) et menace de le refermer tout entier dans la solitude de son propre cœur ».

L'engagement ne doit plus être interprété comme un obstacle à la liberté, mais comme son garant véritable.


Chaque citoyen, chaque État, chaque organisation supranationale doit désormais lutter contre toute forme d'obscurantisme, sans compromis et sans concession. Comme l'Histoire l'a si souvent illustré de manière tragique, il n'y aura pas de sécurité ni de liberté sans engagement.


Brice Soccol

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