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La République est notre destination commune



ITW de Benoit Jimenez, Maire de Garges-Lès-Gonesse, Conseiller régional






La production de chaleur qui représente 45% de nos besoins énergétiques est encore largement dépendante des énergies fossiles et notamment du gaz. Les collectivités ont donc été nombreuses à être impactées par la crise de l’énergie. A Garges-Lès-Gonesse, vous avez fait le choix de créer une nouvelle infrastructure avant la crise, afin d’approvisionner les logements collectifs et les bâtiments publics. Pouvez-vous nous en dire plus ?


Au fur et à mesure des chantiers que j’ai conduit dans la commune, je me suis aperçu de l’ampleur des linéaires de tuyauterie servant à chauffer nos immeubles publics et privés. Très vite, il nous est apparu que ces réseaux disparates pouvaient ne faire qu’un avec un effort moindre de la collectivité. De plus, en formant un réseau unique à l’échelle communale, on a un vecteur peu sensible à la ressource énergétique employée, ce qui permet d’intéresser une grande diversité d’exploitant et donc de faire jouer la concurrence.


Sur ces constats, j’ai voulu aller de l’avant pour en avoir le cœur net : ce réseau de chauffage urbain atteint-il la masse critique avec une source décarbonée ? Est-il supportable financièrement pour l’habitant ?


Nous sommes parvenus à répondre par la positive à ces deux questions sur la base d’une solution livrée aux premiers usagers en 2024.


Au-delà de la création de nouveau réseaux de chaleur, il est indispensable que ce réseau soit alimenté par des énergies renouvelables, comme la biomasse ou la géothermie. Est-ce que ce sera le cas dans votre ville ? Allez-vous pouvoir concilier efficacité énergétique, performance des bâtiment et valorisation de chaleur ?


Notre réseau de chaleur est effectivement alimenté par un mix alliant la géothermie et l’extraction de la chaleur des eaux usées. Nous jouons ainsi sur deux tableaux : du 100% décarboné et du 100% renouvelable. A vrai dire, on complète même un troisième tableau, celui d’une énergie intrinsèquement bon marché, car peu sensible à la donne géopolitique.


Quant aux bâtiments, leur construction ou leur rénovation est évidemment au cœur du défi de l’efficacité énergétique. C’est ce que fait progressivement la collectivité que je préside à travers ses 110 bâtiments municipaux. Nous sommes déjà au travail sur les équipements sportifs des années 1960 ou 70, mais aussi sur les établissements scolaires sur la partie neuve.


Sur la partie privative, il y a différents dispositifs que nous essayons de mobiliser en fonction de la situation en support aux habitants ou comme partenaires dans des opérations type NPNRU, Plans de sauvegarde ou Cœur de Ville.



Vous avez fait le choix d’adapter votre territoire aux enjeux climatiques, de manière à favoriser la transition énergétique et écologique. Avez-vous le sentiment que les habitants s’approprient aujourd’hui ces sujets ? Êtes-vous dans une logique de co-construction des projets de territoire ?


Où que j’aille, on me demande plus d’arbres, plus d’aires de jeux, plus de terrains de sports. De ce point de vue, je ressens une forte demande pour que la nature retrouve sa place au cœur du tissu urbain.


Une autre expression de cette attention, c’est le succès de nos opérations de diagnostic thermique. Nous aidons tous les ans 200 foyers à analyser leur maison aux infra-rouges et les conseillons sur les travaux à mener avec les sources de financement possibles.


Enfin, sur la co-construction, outre que la phase de concertation est à présent au cahier des charges de toutes nos opérations, je mets un point d’honneur à ce que tous les opérateurs présentent les projets aux habitants avec des options. Sur le quartier NPNRU, nous avons une maison du projet complètement adaptée à ces exigences : diffuser l’information, mais aussi pouvoir recueillir la parole des habitants en public ou en privée.


Au-delà de la transition énergétique, la culture est également l’une des priorités de votre mandat. Vous allez inaugurer un formidable espace culturel et numérique pluridisciplinaire, ouvert sur la ville, l’innovation, le spectacle vivant, la formation… Le renouveau culturel est-il pour vous un levier d’inclusion, d’émancipation et de solidarité territoriale ?


J’ai envie de vous répondre que c’est tout cela à la fois ! La culture est avant tout une aventure collective. Il y a autant de raisons de créer de l’humain avec des personnes ou des groupes auxquels on s’identifie que de se confronter à l’altérité ou à l’inconnu pour engendrer quelque chose de nouveau et de stimulant.


Le Cube Garges ne met pas de barrières à un type d’expérience ou à un autre. Il suggère et accompagne les apprentissages, offre des grilles de lecture de tel phénomène et aide chacun à se projeter.


Vous aimez à dire que Garges-lès-Gonesse est une ville multiculturelle avec plus de 60 nationalités représentées, et une moyenne d’âge peu élevée. Comment gère-t-on cette « ville monde » au quotidien ?


Avec beaucoup d’humilité et de modestie ! Dès lors que l’on refuse les lectures binaires et idéologiques, on doit réévaluer à chaque instant son approche sans optimisme béat, mais sans provoquer de clivages non plus. Vous me parliez auparavant d’émancipation par la culture. Je crois que c’est le centre du sujet : chacun à Garges doit pouvoir s’identifier à telle communauté mais chacun doit pouvoir aussi la quitter ou même la réinventer s’il le souhaite. Les communautés ne me dérangent pas. Ce qui me dérange, ce sont les pressions sociales qui peuvent les transformer en ghettos symboliques parce que finalement, personne n’y est vraiment libre. Dans ma pratique du tissu social, je teste donc mes interlocuteurs pour savoir s’ils sont capables de répondre à cette exigence. Si tel est le cas, la communauté Gargeoise est la seule qui m’intéresse.




Après avoir réalisé un Grenelle de l’éducation et de l’insertion par le sport, votre ville accueille également la première école de l’inclusion par le sport. Elle repose sur l’intervention des éducateurs sportifs formés à l’insertion professionnelle. A la veille des Jeux Olympiques, c’est un formidable signal donné aux jeunes de vos quartiers qui veulent inscrire un projet professionnel dans le sport. Pouvez-vous nous en dire plus ?


Dans notre pratique du terrain, on voit que les comportements sont d’autant plus inquiétants que le lien avec les institutions se perd. On a tendance à sa placer en amont de ce lien, par exemple auprès de l’école qui est le chaînon le plus évident. Cependant, pour un déploiement complet, j’ai voulu que l’on se place aussi en aval, auprès du dernier maillon. A mon sens, ce sont les éducateurs sportifs qui jouent ce rôle et c’est donc de leur côté que l’on doit porter l’inclusion : transmettre les valeurs du sport de manière pro-active pour une série de coaching de retour à l’insertion.


C’est sur cette vision que se fonde la philosophie de l’école de l’inclusion par le sport. En pratique, on va former des coach d’insertion et ceux-ci vont encadrer des jeunes à formuler un projet personnel tout en se réinsérant par l’acquisition des savoir-êtres que l’on qualifie souvent soft skills.


En 2022, nous comptons déjà 150 jeunes réinsérés sur le chemin de l’emploi et on ira plus loin les prochaines années.


Je crois savoir que vous inscrivez votre action politique dans l’héritage de Jean-Louis Borloo, - ancien Ministre de la ville, de la Rénovation urbaine et de l’Environnement -, qui était d’ailleurs venu vous soutenir lors des dernières élections municipales. Partagez-vous ses déclarations, lorsqu’il affirme que nous devons « faire République » ?


Non seulement je la partage mais j’espère surtout que c’est le cas de tous les élus de notre pays. La République n’est pas notre point de départ mais notre destination commune. C’est un processus dans le temps long, en renouvellement permanent et qui se nourrit de l’expérience de chacun. Mon rôle, c’est de faire en sorte que toutes ces briques s’imbriquent les unes avec les autre pour faire un tout ou… Pour faire République, si vous préférez.


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