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« Je refuse de rester les bras croisés »

Entretien avec Stéphane MAZARS, député de l’Aveyron (Renaissance)


Antoine Lamielle — Travail personnel
Crédit : Wikipedia - Antoine Lamielle — Travail personnel

Vous êtes co-rapporteur du rapport d’information sur les retombées des Jeux olympiques et paralympiques de 2024. Vous présagez que ces Jeux seront une grande réussite et laissez entrevoir un héritage, matériel et immatériel, particulièrement riche. Pouvez-vous revenir sur votre engouement à l’égard de ces Jeux ?


Vous avez tout-à-fait raison. Stéphane Peu, député de Seine-Saint-Denis (PCF) et co-rapporteur de ce rapport d’information, et moi-même débutions toujours nos auditions en partageant notre a priori positif sur les Jeux olympiques et paralympiques de 2024. On considère que ces Jeux sont une chance extraordinaire pour notre pays.


Ils le sont, d’abord, car ils sont une opportunité hors norme de faire de la France cette « grande nation sportive » qu’appelle de ses vœux le Président de la République. Avec ces Jeux, nous pouvons amener le sport dans la société française qui en a terriblement besoin.


En outre, ces Jeux sont l’occasion, pour la France, de continuer à être à l’avant-garde. Les Jeux de Paris 2024 doivent effectivement faire entrer l’organisation des grands évènements sportifs internationaux dans une nouvelle ère, plus responsable en matière sociale et environnementale. Il y a une véritable volonté de penser ces Jeux comme une vitrine vertueuse du sport et de son organisation, loin de ce que les Jeux de Sotchi ou la coupe du monde de football au Qatar ont pu donner à voir.


Enfin, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 sont les bienvenus afin de recréer de la cohésion dans notre nation, du collectif dans notre société. Je suis convaincu qu’ils gagneront ce pari, d’une façon différente de la Coupe du monde de football de 1998, mais avec le même élan.


L’épicentre des Jeux de Paris 2024 sera la Seine-Saint-Denis, avec son village des athlètes ou encore son stade d’athlétisme qu’est le Stade de France. Ces Jeux sont-ils aussi une chance pour ce département ?


Évidemment ! Je suis convaincu que ces Jeux seront un accélérateur énorme pour le développement de ce territoire.


Ils le seront, d’abord, grâce aux infrastructures construites à leur occasion. Nous avons eu la chance de visiter le village des athlètes : ce sont des locaux d’ores et déjà tournés vers leur usage ultérieur. Ce village accueille les services et les logements de demain en Seine-Saint-Denis. Plus fondamentalement peut-être, certaines de ces infrastructures seront aussi, demain, les locaux de l’administration. Ainsi, l’APHP, la préfecture de Police et d’autres s’installeront véritablement en Seine-Saint-Denis. C’est un grand pas. Cela l’est d’autant plus qu’on entend souvent dire que la problématique essentielle pour les agents de la fonction publique est de ne pas résider à proximité de leurs lieux de travail. Voilà une occasion d’y remédier.


Puis, je vous le disais, les Jeux de Paris 2024 sont l’occasion de recréer de la cohésion dans notre nation. À la suite des tristes évènements dans nos banlieues, il ne me semble pas insensé de vouloir capitaliser, d’une part, sur les infrastructures sportives qui y ont été construites à l’occasion des olympiades ni, d’autre part, sur l’engouement que ceux-ci créeront pour remettre le sport et ses valeurs dans les quartiers. Remettre le sport dans les quartiers, c’est recréer de la solidarité entre les jeunes, c’est leur permettre de se valoriser par l’effort. Profiter de l’effort initié par ces Jeux pour implanter des infrastructures sportives de qualité, qui ne peuvent pas se résumer à un stade de football au milieu des tours, c’est faire le pari qu’elles seront des espaces de cohésion, de solidarité, de collectif. Et, recréer du collectif, refaire équipe, c’est renouer avec une fierté d’appartenir à son quartier et à sa nation.


Vous appelez à repenser la place du sport à l’école. Comment s’y prendre ?


Très sincèrement, je pense qu’il faudrait écrire au fronton de chacune des écoles la devise : « Lire, Écrire, Compter, Bouger ».


Il y a une nécessité criante de redonner une place importante au sport à l’école, au collège, au lycée mais aussi dans les études supérieures. Comment faire ? Cela passe d’abord par une augmentation des heures dédiées à la pratique sportive. Cela demande ensuite de mieux former les professeurs des écoles et de recruter davantage de professeurs d’éducation physique et sportive. Je plaide également en faveur du retour des épreuves de sport au brevet et au baccalauréat. Puis, cela appelle la mise à disposition de plus d’espaces de pratique dans les lieux d’enseignement.


En d’autres termes, il faut bâtir une politique publique tournée vers la pratique sportive de nos plus jeunes. Il s’agit, avant tout, d’un impératif de santé publique. Nos enfants ont des capacités physiques qui ne cessent de se dégrader et développent de plus en plus tôt des maladies cardio-vasculaires, du diabète, de l’obésité, etc. Les parents ont aussi leur responsabilité. À titre d’exemple, nous avons rencontré un professeur des écoles dans le cadre de nos travaux. Celui-ci m’indiquait que des parents d’élèves lui avaient reproché d’avoir organisé une activité physique ayant essoufflé leurs enfants. C’est inconcevable mais cela montre bien où est relégué le sport dans notre société. À terme, cela influe sur l’espérance de vie et a un coût très important sur les finances publiques. Par ailleurs, une politique publique en faveur du sport est également primordiale pour transmettre les valeurs du sport qui sont fondamentales. Enfin, à la suite des championnats du monde d’athlétisme de cet été et à l’aune des Jeux de Paris 2024, il me semble judicieux d’ambitionner de replacer la France dans le concert international – notamment dans les épreuves phares des JO que sont celles d’athlétisme.


La remise en cause, par le Président de la République, du rythme scolaire actuel n’est-elle pas une occasion de promouvoir le sport à l’école ?


C’est certain. Le Président de la République a raison d’interroger le rythme scolaire actuel. En outre, si nous décidons de réduire les vacances de nos enfants, ce qui aurait pour corollaire de lisser les enseignements tout au long de l’année, nous pourrions être bien plus ambitieux en matière de pratique sportive à l’école. Cela serait l’occasion de s’inspirer de ce qui se fait en Allemagne et en Scandinavie, c’est-à-dire des enseignements théoriques le matin et une activité sportive l’après-midi.


Pour conclure, je vous sais sportif…


C’est vrai et c’est aussi pourquoi je suis force de proposition sur ce sujet car je sais ce que le sport m’a apporté et continue de m’apporter. Pour moi, le sport a d’abord été un espace de valorisation – y compris aux yeux de mes professeurs. Il a ensuite été un lieu d’enseignement ; une invitation à bouger, à se dépasser, à mieux manger, etc. Puis, le sport, c’est la camaraderie, c’est la plus efficace fabrique du lien social.


Du reste, c’est aussi ce qui m’attriste dans le constat que nous dressons. Je veux dire que lorsque même les clubs de football, comme c’est le cas dans ma circonscription, rencontrent des difficultés à constituer un effectif, cela ne signifie pas seulement que les jeunes privilégient désormais les écrans aux activités sportives, ni que leur état de santé se dégrade ; cela signifie également que la vie sociale de nos territoires s’appauvrie. Je refuse de rester les bras croisés.


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