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« Avancées thérapeutiques en oncologie : une révolution est à l’œuvre ».

Entretien avec Philippe BERTA, député du Gard (MoDem).




Vous êtes co-rapporteur du rapport d’information sur les « avancées thérapeutiques en oncologie ». Avant d’aborder ces perspectives enthousiasmantes, le rapport d’information fait l’état des lieux du cancer et de ses grandes tendances. Pouvez-vous nous les résumer ?


De façon très prosaïque, le nombre de cancers croît malheureusement de façon exponentielle. Le cancer est la première cause de mortalité et nous ne sommes pas à la hauteur. Les pouvoirs publics ne sont pas à la hauteur de l’enjeu en matière de prévention santé ; et nous, collectivement, ne le sommes pas davantage dans nos styles de vie qui nourrissent le cancer.


D’ailleurs, la grande nouveauté est la disparition de l’effet de genre. Je veux dire que longtemps les cancers touchaient d’abord les hommes en raison de leur hygiène de vie défaillante. Ce n’est désormais plus le cas puisque nombre de travers du style de vie des hommes ont été adoptés par les femmes.


L’état des lieux rend d’autant plus réjouissantes les avancées thérapeutiques en oncologie qu’elles pressent…


C’est certain.


De manière plus concrète, les avancées en question sont-elles le fait d’une meilleure efficacité des thérapies historiques ou bien de l’essor de nouvelles thérapies ?


On assiste d’abord, depuis les années 2000, à d’indéniables progrès des traitements historiques comme la chimiothérapie. En outre, l’amélioration de la précision de l’irradiation a permis de perfectionner les traitements de radiothérapie.


Surtout, une révolution thérapeutique longtemps attendue est à l’œuvre grâce à l’essor des traitements d’immunothérapie qui suscitent beaucoup d’espoir.


En quoi la révolution des immunothérapies consiste-t-elle ?


Je parlais d’une révolution, et c’est une réalité, mais il faut aussi préciser qu’il s’agit d’une révolution scientifique. Elle résulte de recherches anciennes et ne se déploiera que lentement dans le milieu du soin.


Pour revenir à votre question, l’immunothérapie est un couteau à plusieurs lames. Tous les traitements d’immunothérapie visent à restaurer l’efficacité du système immunitaire pour lui permettre de reconnaître et de détruire les cellules cancéreuses. Les immunothérapies sont, sans conteste, la voie de recherche la plus dynamique et la plus prometteuse en oncologie. La mise au point de vaccins curatifs, c’est-à-dire pour soigner et non pas pour prémunir, en est peut-être l’avancée la plus spectaculaire – notamment pour les cancers les plus mortels comme celui du pancréas. Cette avancée thérapeutique majeure résulte d’un changement radical dans la vision des tumeurs : le corps médical n’appréhende plus les tumeurs de façon standardisée, mais de façon personnalisée. En effet, on sait désormais que la tumeur d’un patient n’est pas celle d’un autre. C’est pourquoi le corps médical procède à une analyse moléculaire de chaque tumeur pour en identifier l’origine, c’est-à-dire les gênes qui ont été dérégulés. À partir de cette identification, on génère un vaccin spécifique, propre à chaque patient.


À en lire les conclusions de votre rapport, cela ouvre des perspectives extraordinaires. Toutefois, vous faites également part de votre inquiétude au sujet du financement de ces innovations thérapeutiques…


Vous avez raison car si chaque tumeur nécessite un traitement particulier, alors il faut financer autant de traitements qu’il y a de patients. C’est en ce sens que je soutiens que les cancers peuvent désormais s’assimiler à « une somme de maladies rares » - maladies rares dont chacun connait la tragédie du financement de leurs traitements. Il faut désormais s’assurer que notre système de santé sera capable de s’adapter pour ne pas rater le train. C’est une préoccupation partagée par tous et dont le Gouvernement semble avoir conscience puisqu’une mission « médicaments », placée sous l’égide de la Première ministre, rendra ses conclusions dans les prochains jours.


Plus encore, l’Observatoire sociétal des cancers alerte d’ores et déjà sur l’existence d’inégalités dans l’accès aux traitements les plus innovants…


Je dirais même que la première inégalité en la matière réside dans le diagnostic. Cela s’explique, d’une part, par un maillage territorial insuffisant et, d’autre part, par une réticence française au diagnostic génétique pour des raisons qui me sont étrangères. Or, je vous le disais, le diagnostic génétique est de loin le plus rapide et le plus efficace.


Ensuite, c’est vrai, il existe des inégalités dans l’accès aux traitements. Les thérapies dont nous parlons figurent généralement dans la liste en sus des hôpitaux. Elles jouissent d’une enveloppe budgétaire mais celle-ci est insuffisante au regard de la demande – ce qui cause des inégalités.


De façon plus globale, nous avons un problème de financement des médicaments. Si le médicament ne représente pas plus de 9% de la totalité du budget de la santé, c’est parce que nous avons une mauvaise approche du coût des médicaments. Je veux dire que les médicaments ne sont pas qu’un centre de dépenses. D’abord, les médicaments soignent des patients et sauvent des vies. Ensuite, les médicaments sont une débouchée pour notre recherche qui, à défaut d’être motivée par sa rémunération, doit l’être par les perspectives d’application de ses découvertes. L’industrie du médicament représente 120.000 emplois en France, ce qui en fait le troisième secteur économique. Enfin, j’entends souvent dire que les médicaments coûtent chers. Certes, mais nous sommes-nous déjà interrogés sur le coût d’un patient non-traité ? Pareil patient connaitra un parcours clinique compliqué et coûteux, nécessitera une aide à domicile quotidienne, ne produira aucune richesse, etc.


Puis, et je conclurai avec cela, rendre ces nouveaux traitements accessibles, cela exige de reconsidérer les règles d’évaluation. Cela n’a aucun sens de vouloir évaluer un médicament bio-thérapeutique personnalisé comme un médicament chimique standardisé, avec un bras de contrôle constitué de milliers de patients.


Vous êtes particulièrement optimiste sur les avancées thérapeutiques en oncologie. L’êtes-vous également sur la capacité des pouvoirs publics à se montrer à la hauteur de ces avancées ?


De façon un peu provocatrice, je dirais que les pouvoirs publics seront au rendez-vous à condition de consentir à sortir le médicament du la tutelle du ministère de la Santé. La compréhension du médicament, je le disais, demande une approche pluridimensionnelle. C’est pourquoi j’avais proposé la création d’un secrétariat d’État interministériel à la médecine du futur. Cela était peut-être ambitieux mais il me semble que le message est passé comme en témoigne le lancement de l’Agence de l’innovation en santé, placée sous la tutelle du Secrétariat général à l’investissement. Cela va dans la bonne direction et tous les acteurs de la santé en attendent beaucoup.


Je voudrais conclure en redisant la nécessité de soutenir davantage la recherche en santé. J’y consacrerai un nouveau rapport d’information à la rentrée, que je voudrais annexer au budget de la recherche pour 2024, tant cela m’apparait comme un sujet de première importance.

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