top of page

La crise sanitaire bénéficie-t-elle vraiment aux villes moyennes ?

D’une attractivité subie à une attractivité maîtrisée




Si les villes moyennes signent une réelle montée en puissance du fait de la situation sanitaire, pour confirmer l’attrait des Français, elles vont devoir se réinventer. Plus que des villes rêvées, elles doivent devenir des lieux de vie et d’activité.

Les villes moyennes* sont considérées comme idéales pour une majorité croissante des Français. La crise liée à la Covid-19 a mis en exergue l’échec des villes denses. A l’annonce du premier confinement, les habitants des grandes villes et métropoles qui le pouvaient ont instinctivement quitté leur domicile, se réfugiant dans les villes moyennes et zones rurales. Recherchant une meilleure qualité de vie, des logements plus spacieux, moins onéreux, 87% des Français préfèrent habiter dans une ville moyenne d’après la dernière édition du Baromètre des Territoires de Villes de France. C’est 3 points de plus que l’année passée. Si tous ne pourront franchir le cap, le caractère durable des nouveaux modèles hybrides de travail tend à confirmer un rééquilibrage démographique en faveur des zones moins denses. Ce constat annonce une opportunité à saisir pour les villes moyennes. Les nouveaux arrivants donnent un nouveau souffle aux cœurs de ville et n’hésitent pas à réhabiliter des logements vieillissants voire vétustes.


A court terme, les villes moyennes voient ainsi leurs commerces locaux redynamisés et leur habitat revalorisé. Cependant, il convient de s’interroger sur les effets à moyen et long termes de cet exode.

Les nouveaux habitants sont exigeants. Ils sont habitués à une certaine offre de service public et à des infrastructures tant logistiques que numériques particulièrement nombreuses et performantes.

Ces nouvelles familles vont certes faire fonctionner l’économie locale par quelques courses du quotidien en centre-ville mais elles font aussi considérablement augmenter les prix de l’immobilier et les dépenses de services publics liées à l’école, la santé ou le périscolaire notamment. En 2020, l’INSEE révèle une hausse particulière des prix des logements en France métropolitaine (+ 6,1%). Une telle croissance rend l’accession à la propriété particulièrement difficile notamment pour les jeunes.

L’impact de la crise sur les finances générales des collectivités territoriales est encore incalculable mais excessivement lourd. L’enjeu est alors non seulement des conditions de vie attractives, mais aussi de promouvoir l’installation d’activités économiques et de créer de l’emploi.

Afin que la crise sanitaire n’entraine pas une vampirisation des services publics par les navetteurs**, les villes moyennes doivent repenser leurs politiques d’attractivité. Elles ne peuvent être le projet d’un homme mais doivent être celui d’un territoire. Elles ne sauraient être basées sur une envie, une aspiration, ou des tendances. Pour être durables, elles devront s’appuyer sur l’implantation d’activités et la pérennisation d’un écosystème cohérent. L’attractivité doit être définie, pilotée et évaluée grâce à une maîtrise parfaite du territoire.

Connaitre les composantes du territoire est le prérequis nécessaire et obligatoire d’une attractivité non subie mais maîtrisée. Pour créer un écosystème viable, les décideurs publics bénéficient d’une ressource infiniment riche, la data. Alors qu’elles font partie des principaux contributeurs de l’open data nationale, les collectivités territoriales ne l’utilisent que très rarement.

Employabilité, formations, besoin en main d’œuvre, réseaux, immobilier d’entreprise et foncier disponibles, profil des actifs, … sont autant d’indicateurs qui offrent une vision à 360° du territoire et des réponses aux attentes des entrepreneurs. En croisant les données ouvertes par Parcoursup sur les vœux et formations postbac des bacheliers avec les compétences recherchées par les entreprises sur un territoire, recensées par Pôle Emploi, il n’est pas rare d’observer des incohérences. Comment maintenir les étudiants natifs de sa région si l’offre de formation est en parfaite dichotomie avec les offres d’emploi ?

D’après le Baromètre des Territoires 2020 de Villes de France, une part conséquente des habitants des villes moyennes témoigne de leur difficulté à trouver un emploi dans leur territoire (37% contre 35% au niveau national). Ce taux atteint jusqu’à 53% des moins de 35 ans.

Changeons de paradigme, arrêtons de céder aux tendances, utilisons des données objectives pour analyser en détails les forces et faiblesses, valoriser les atouts et améliorer les failles de nos territoires pour construire des politiques viables sur le long terme. La recrudescence de campus numériques handicape le soutien aux industries historiques et activités considérées comme valorisantes. Cependant, consolider un écosystème bien implanté facilite l’installation d’autres acteurs, fédère les parties prenantes et engendre des richesses indirectes.

La crise actuelle est l’occasion pour les villes moyennes de réinventer la doctrine française des pôles de compétitivité en faveur de bassins de formation et d’emploi cohérents. Le cadre de vie ne doit plus être l’argument phare, il n’attire que des navetteurs. Le discours doit être objectivé et la data est le meilleur allié.

* comprises entre 20000 et 100000 habitants ** Un navetteur est un actif effectuant un trajet quotidien en dehors de sa commune de résidence pour se rendre sur son lieu de travail

bottom of page