Interview d’Anne Vignot, Maire de Besançon
Scientifique CNRS, engagée dans les associations environnementales, conseillère régionale en 2010, puis Adjointe au Maire EELV en 2014 sur la liste de gauche, vous avez une forte expérience de la vie politique locale. Cette connaissance de l’action publique locale et des collectivités territoriales est-elle un atout lorsque l’on exerce pour la première fois un mandat de Maire ?
C’est un atout indéniable. Les prises de fonction après l’élection, de maire de Besançon, de présidente de Grand Besançon Métropole vous plongent dans un très grand nombre de dossiers. Le fait d’avoir été conseillère régionale, puis adjointe au maire m’a permis de me saisir très rapidement des sujets clés pour notre ville. Par ailleurs, je connaissais une partie des équipes d’agents de la ville, leurs freins comme leurs envies. Cela facilite aussi les choses. Ma vie associative a constitué un capital fort pour établir un dialogue constructif avec les forces vives.
L’écologie a toujours été chez vous un fil conducteur entre vie professionnelle et vie militante. L’écologie urbaine, la transition énergétique ou encore la remise en question du coût environnement et social de notre développement sont aujourd’hui au cœur des politiques publiques locales et nationales. Quelles sont les recettes de la ville écologique ? Quelles mesures doivent être prises pour le futur des villes durables ?
La ville écologique, c’est une ville qui pense l’écologie dans chacun de ses projets. La ville est un système et ne doit pas négliger les interactions des politiques entre elles. Du dépôt d’un permis de construire à la réfection d’une voie, de la construction d’un bâtiment public à la tranquillité publique, l’écologie est présente dans la quasi-totalité des sujets. Intégrer cette réflexion en amont des projets est indispensable pour mesurer les conséquences de chaque décision. J’ai cherché depuis le début de mon mandat à impulser cette nouvelle donne à l’ensemble des services qui l’intègrent progressivement, même si j’ai bien conscience que cela bouscule certaines représentations des métiers ; mais je crois que nous savons tous que, face au changement climatique, nous n’avons plus d’autre choix.
Vous vous êtes fixée pour Besançon le but du « zéro carbone en 2040 ». Quelles sont les marges de manœuvre dont dispose une ville comme Besançon pour initier une véritable transition écologique ? Des partenariats ne devront-ils pas être noués avec d’autres collectivités et l’Etat ?
C’est un objectif ambitieux qui n’est atteignable que si tous les acteurs y contribuent. Le « zéro carbone », c’est un principe de bon sens, ne pas rejeter plus de carbone dans l’atmosphère que ce que notre terre est capable d’absorber. A Besançon, nous avons engagé les premiers chantiers en ce sens : la rénovation des écoles à hauteur de 60 millions d’euros sur le mandat, rénovation principalement thermique, va permettre à la fois un gain de confort pour nos équipes éducatives et nos élèves, mais aussi de réduire très fortement l’empreinte carbone de ces bâtiments. Nous travaillons aussi sur la désimperméabilisation et la végétalisation (à hauteur d’1 million d’euros par an) et à cette occasion, réduire les usages trop genrés dans les cours d’école. Quant aux partenariats, ils sont indispensables. Le gouvernement a indiqué travailler sur le zéro artificialisation nette, je m’en réjouis, c’est une réflexion indispensable et un levier très important pour lutter contre le réchauffement climatique. Sans politique nationale sur ce sujet, nos efforts locaux seront bien sûr utiles, mais insuffisants. Malheureusement, les dernières déclarations du gouvernement sur ce sujet me laissent penser que ce dossier sera renvoyé aux calendes grecques.
Lors des dernières municipales, de nombreux élus verts ont été élus dans de nombreuses grandes villes et métropoles. On a le sentiment qu’un certain nombre d’entre eux se focalisent sur les centres urbains, aux dépens des périphéries qui accompagnent la ville comme son ombre dans les domaines de la production, de l’agriculture, de l’habitat. Ne faut-il pas au contraire penser la ville écologique dans sa diversité, au-delà des remparts des cœurs de ville ?
Je suis maire de Besançon, ville de 117 000 habitants, et présidente de Grand Besançon Métropole, communauté urbaine composée principalement de petites villes et de villages (la deuxième ville de notre communauté urbaine a un peu moins de 5000 habitants). Je n’oppose pas ville et périphérie. Nous devons faire territoire et l’écologie ne peut se faire que par l’alliance de ces territoires. Les outils à notre disposition pour penser le territoire de demain, je pense au SCoT (Schéma de Cohérence Territoriale) ou au PLUi (Plan Local d’Urbanisme intercommunal) nous démontrent bien que la réflexion ne peut se faire qu’à une échelle intercommunale. Nous ne pouvons penser la ville de demain sans proximité, et la proximité, elle est avec les villes et les villages du Grand Besançon, et plus largement encore.
Les institutions locales sont le point charnière entre la société civile et la société politique. Même si les Français ont toujours porté une attention particulière au scrutin local, on ressent une défiance scrutin après scrutin à l’égard des élus. Comment peut-on aujourd’hui renouveler " la démocratie de la participation " ?
La défiance est très grande. Elle s’exprime par une abstention toujours plus forte, mais aussi, via un vote de rejet auprès de l’extrême-droite. Le débat national actuel, marqué principalement par une succession de polémiques, ne va pas arranger les choses. Nous avons besoin de redonner toute sa place à la complexité dans le débat. Tout n’est pas blanc ou noir. En tant qu’élus locaux, nous avons un devoir de réussite ; nous devons aussi faire œuvre de pédagogie et multiplier les outils pour redonner toute leur place aux citoyens. Ainsi, à Besançon, sur le projet d’écoquartier des Vaîtes qui cristallise depuis des années les oppositions entre « pro » et « anti », nous avons fait le choix de mettre en place une conférence citoyenne avec 50 citoyens tirés au sort qui vont pouvoir embrasser le sujet dans toute sa complexité et émettre des recommandations qui seront soumises au conseil municipal.
Avec un million de personnes que l’on estime avoir basculé dans la pauvreté, des conséquences économiques et psychologiques dramatiques sur une partie de notre jeunesse, les conséquences sociales de la crise sanitaire sont préoccupantes. Quel regard portez-vous sur la gestion de cette crise ? Comment à votre échelle, participerez-vous à un « monde d’après », plus équitable, inclusif et durable ?
Vous avez raison, les conséquences sociales de la crise sanitaire sont dramatiques. On l’a vu chez les personnes âgées, chez les étudiants, chez les plus précaires. Notre CCAS est mobilisé depuis le début de cette crise pour faire face et pour accompagner. Nos agents sont allés à la rencontre des personnes isolées pour leur proposer de l’aide. Nous avons aussi mené des politiques de prévention de la Covid-19 à l’égard des plus fragiles et maintenu le soutien aux associations qui ont joué un rôle essentiel dans cette période. Nous avons fait le choix d’augmenter d’1,5% le budget du CCAS pour renforcer ces politiques. Pour l’avenir, nous présenterons prochainement un « plan jeunes » pour répondre à l’accroissement de la précarité. Une coordination des acteurs qui travaillent avec et pour la jeunesse installe une relation de complémentarité et de renforcement des actions menées en direction de la jeunesse.
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