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La Nature est hybride, alors hybridez-vous !



Depuis Lavoisier, il est de notoriété publique que rien ne se perd, rien ne se crée, et que tout se transforme ! Anaxagore l’avait déjà dit : « rien ne naît ni ne périt, mais des choses déjà existantes se combinent, puis se séparent de nouveau »… Pour ceux qui ne l’auraient pas compris, la Nature n’est ni une sage-femme, ni un croque-mort, elle est une marieuse ! Qu’il s’agisse d’atomes invisibles ou de matières tangibles, la Nature passe son temps à combiner et à recombiner. Oui, la Nature est hybride et nous l’avions oublié !


En étant hybride[1], la Nature nous rappelle que les cases dans lesquelles nous adorons ranger tout ce et ceux que nous croisons sont trop rigides, pour ne pas dire absurdes. Pourtant, nous aimons tant coller des étiquettes sur les parcours, les métiers, les situations, les organisations, les objets, les territoires, les sciences, les êtres que nous rencontrons, parce que ces étiquettes nous rassurent. Et c’est ainsi que, sans nous en rendre compte, nous construisons nous-mêmes les silos que nous sommes si prompts à dénoncer par la suite !


Notre bonne vieille rationalité nous a, hélas, trop habitués à identifier (c’est-à-dire à donner une identité), trier et classer ; et nous avons pris l’habitude de détester tout ce qui viendrait remettre en cause ce processus de traitement du réel, à savoir tout ce qui serait… hybride. L’hybride, c’est ce qui est mélangé, contradictoire, hétéroclite et nous avons toujours eu du mal avec cette idée. Dans la mythologie, nous avons incarné cette angoisse de l’hybride dans la figure du Centaure[2] ; un personnage violent, agressif, imprévisible et menaçant… Dépeint ainsi, le centaure avait tout pour déplaire et, pendant des siècles, nous sommes passés à côté de tout ce qui était hybride autour de nous.


Mais aujourd’hui, force est de constater que les centaures reviennent sur le devant de la scène et que tout s’hybride autour de nous : hybridation des villes et des campagnes, hybridation des objets, hybridation des manières d’habiter, hybridation des usages, hybridation des économies, hybridation des enseignements, hybridation des modèles organisationnels, hybridation des cultures… Ces hybridations omniprésentes sont déstabilisantes, mais riches d’enseignements. D’abord, elles nous apprennent que nous devrions arrêter de fracturer le monde avec nos vieilles cases ; cela nous rendrait plus intelligents et plus créatifs, plus humbles et moins dogmatiques. Ensuite, elles nous enseignent que l’hybridation, ce n’est ni la fusion, ni la juxtaposition, ni l’annihilation de l’autre, mais la métamorphose de chacun ! Par ailleurs, que nous devrions mettre fin à la terrible pulsion d’homogénéité qui est en nous et qui nous ramène toujours vers ce et ceux que nous connaissons déjà. Enfin, elles nous rappellent que les logiques identitaires ne mènent à rien de bon qu’à enfermer les autres et à s’enfermer soi-même. Il est donc plus que temps de réécrire le mythe du centaure, de comprendre qu’il n’a rien de violent ni de menaçant et qu’il peut au contraire nous indiquer la voie de l’avenir !


Forts de ses leçons, construisons des maisons de retraite-auberges de jeunesse, des salles de sport-musées, des centres commerciaux-théâtres, des gares-potagers ! Hybridons les chercheurs et les startupers, métissons les arts, créons des ponts entre les écoles ! Sortons de nos identités qui nous empêchent de parler la même langue ! La Nature est hybride, hybridons-nous !


[1] Halpern Gabrielle, Penser l’Hybride, Thèse de doctorat en philosophie, 2019 ; http://www.theses.fr/2019LYSEN004 [2] Halpern Gabrielle, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020

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