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MIPIM : Des lieux hybrides pour retrouver le goût de l’altérité !


Tribune de Gabrielle Halpern, Philosophe



Alors que le MIPIM, le plus grand Salon de l’immobilier, s’ouvre à Cannes, jamais ce secteur n’a été autant au cœur de tous les défis. Transition démographique, transition écologique, enjeux énergétiques, responsabilité sociale : comment redonner du sens à tous nos lieux ? Comment construire ou concevoir des lieux dans lesquels nous parviendrons vraiment à nous rencontrer, et pas seulement nous croiser ? Comment imaginer des espaces au sein desquels un vrai travail en commun est possible ? Le monde du travail connaît une véritable révolution depuis plusieurs années, une révolution qui a commencé bien avant la crise sanitaire et que cette dernière a accélérée. Le rôle des directeurs de l’immobilier n’a jamais été autant essentiel ; jamais leurs missions n’ont été aussi cruciales pour la vie des entreprises. De la même manière que nous avons vu nos logements avec d’autres yeux durant le confinement, voilà que nous nous mettons à regarder nos bureaux avec d’autres lunettes.

Il est fini le temps où une école était une école, un théâtre était un théâtre, un restaurant était un restaurant, un bureau était un bureau… Même si un chat restera toujours un chat ! Tous nos lieux sortent de nos cases et il va nous falloir non seulement les redéfinir, mais aussi les réinventer ! Coliving, coworking, cofarming, nouvelles manières d’habiter, de consommer, de travailler, d’apprendre, de se réunir, démultiplication des tiers-lieux… Nous assistons à une démultiplication de signaux faibles autour de nous témoignant peut-être de ce que l’hybridation pourrait bien être la grande tendance du monde qui vient (1). L’hybridation se définit comme le « mariage improbable, c’est-à-dire que c’est le fait de mettre ensemble des choses, des secteurs, des activités, des destinations, des métiers, des personnes, des usages, des compétences, des générations, qui, a priori n’avaient pas grand-chose à voir ensemble, voire qui pouvaient sembler contradictoires, et qui, ensemble, vont donner lieu à quelque chose de nouveau : des tiers-usages, des tiers-lieux, des tiers-objets, des tierces-économies, des tiers-modèles… L’hybridation crée de nouveaux mondes, en somme» (2)! Et peut-être de nouveaux lieux de travail, de nouveaux lieux d’habitat… Comment cette grande tendance d’hybridation nous transformera-t-elle ? Comment transformera-t-elle nos lieux ? A quoi ressembleront les sièges sociaux de demain ? Où travaillerons-nous après-demain ? A quoi ressembleront les logements de demain ?





Parmi les missions confiées à l’enseignement agricole se trouve celle de l’animation du territoire, de la contribution à la dynamique des territoires. Mais cette responsabilité territoriale ne devrait-elle pas être celle de toutes les écoles, et pas seulement celles de l’enseignement agricole ? Cette responsabilité territoriale ne devrait-elle pas être celle, non seulement des écoles, mais aussi des musées, des entreprises, des maisons de retraite, des hôtels, des restaurants, des usines ? La responsabilité territoriale ne devrait-elle pas être la mission et le devoir de toutes les parties prenantes du territoire, de tout acteur de la Cité (3) ?


Tant que chaque acteur du territoire restera enfermé dans sa case, dans son monde, il n’y aura pas de territoire. Tant que chaque acteur de la Cité n’assumera pas sa responsabilité territoriale, il n’y aura pas de contrat social. Demain, on évaluera le siège social d’une entreprise, une association, une école, un hôtel, une usine ou encore un restaurant par rapport à leur capacité à jouer un rôle de point de repère pour leur territoire. Demain, on évaluera le siège social d’une entreprise, une association, une école, un hôtel, une usine ou encore un restaurant par rapport à leur capacité à créer des ponts entre les mondes, à cultiver des maillages et des écosystèmes territoriaux ; autrement dit, par rapport à leur capacité à « hybrider » (4`). Comment construire une véritable « hybridation territoriale » (5) de nos lieux ?


Le philosophe Martin Buber écrivait que « l’homme devient je au contact du tu ». Le défi des prochaines années sera de redonner un supplément d’âme à tous nos lieux, - école, bureau, logement, hôtel, musée, gare, aéroport, rue, hôpital, magasin, maison de retraite -, pour en faire des lieux d’hospitalité, des lieux-points de repères, des lieux où l’on n’est pas juste juxtaposé les uns aux autres, des lieux qui nous permettent de nous sentir un tout petit peu moins seuls, un tout petit peu moins petits, médiocres et étroits, des lieux hybrides qui nous redonnent le goût de l'altérité (6).


Le rôle des collectivités territoriales sera de penser l’hospitalité de leur territoire et d’impliquer pour ce faire l’ensemble de toutes leurs parties prenantes.


  1. Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.

  2. Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.

  3. Gabrielle Halpern, « Penser l’hospitalité », Editions de l’Aube, 2022 (coécrit avec Cyril Aouizerate)

  4. Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.

  5. Gabrielle Halpern, « Penser l’hospitalité », Editions de l’Aube, 2022 (coécrit avec Cyril Aouizerate).

  6. Gabrielle Halpern, « Penser l’hospitalité », Editions de l’Aube, 2022 (coécrit avec Cyril Aouizerate).



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