par Gabrielle Halpern - Philosophe et auteur
Lorsque la covid-19 a débarqué brusquement dans nos vies, nous nous sommes retrouvés confinés chez nous et nous avons été nombreux à rêver du monde d’après. Ah, ce fameux monde d’après ! Le monde parfait ! Le monde où l’on reprend contact avec la Nature, où l’on recommence à prendre soin les uns des autres, où l’on recommence à avoir du temps pour cuisiner, pour lire, pour parler avec les gens que l’on aime…
Un monde où nous projetions tous nos vœux, toutes nos bonnes résolutions, à l’échelle individuelle et à l’échelle collective. On proclamait, la main sur le cœur, que nous avions compris ! Compris toutes les leçons que le virus était venu nous apporter ! Compris combien il est ridicule de se comporter en commissaire au plan de nos vies, puisque nos vies sont par nature imprévisibles ; compris qu’il n’y a rien de plus sacré que la santé et la vie ; compris combien l’humanité est fragile et combien sont illusoires et ridicules nos rêves d’immortalité transhumaniste…
Compris combien nos comportements de dictateurs à l’égard de la faune et la flore sont usurpés et absurdes. Compris combien il est important d’écouter la réponse de l’autre lorsqu’on lui demande machinalement comment il va…
Nous proclamions que nous avions tout compris et nous avons passé les mois du confinement à gloser sur le monde d’après, sans prendre conscience qu’il y a une seule chose que nous n’avions pas comprise. Une chose, pourtant, essentielle ! C’est d’abord ma vie que je dois changer avant d’oser vouloir changer le monde ! Pas de monde plus durable, s’il n’y a pas une vie plus durable ! Pas de monde plus solidaire, s’il n’y a pas une vie plus solidaire ! Personne ne changera le monde s’il ne change pas d’abord sa vie ! Le monde d’après, c’était forcément la responsabilité des autres : des élus, des chefs d’entreprise, des institutions européennes ou de mes voisins !
Aujourd’hui, nous entrons dans le monde d’après qui n’a pas pu tenir ses promesses, puisque nous ne les avons pas tenues non plus ! Et nous sommes si déçus par le monde d’après, par cet avenir qui n’est pas venu comme nous le voulions, que certains d’entre nous se réfugient dans le passé.
Le paradis que nous projetions dans le monde d’après, voilà que certains le projettent dans le monde d’avant, comme si tout était mieux avant ! Il est temps de reprendre le goût de l’avenir ; le paradis ne vient pas par génération spontanée, mettons-nous au travail !
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