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Savoir d’où vient notre nourriture est aussi fondamental que savoir lire, écrire et compter

Interview de Fanny Agostini et Henri Landes, fondateurs de Landestini



Fanny, vous avez créé avec votre mari Henri Landes, en 2019 un fonds de dotation et une association qui ont pour mission « de reconnecter les humains à la terre, à la nature, à la ruralité ». Pourquoi avoir pris cette initiative ? Quelles sont les missions de votre organisation ?


Pour moi, il est essentiel de recréer du lien avec la nature, la terre et d’être au plus proche des producteurs locaux. Quand j’étais à Paris j’étais certes très engagée, mais j’avais également l’impression de ne pas être alignée avec mes convictions, que mes modes de vie étaient trop éloignés de l’essentiel.


À mon sens, les villes doivent devenir des lieux où une partie de la nourriture est produite, mais surtout où les consommateurs prennent conscience du travail des producteurs dans la ruralité. Elles ne doivent surtout plus être des « villes ventres », déconnectées de la production, où nous avalons de la matière et recrachons des déchets. Il est également important de rééquilibrer la répartition de la population et des activités sur le territoire, car nous sommes trop nombreux en zones urbaines et dans les grandes métropoles.


Landestini, que j’ai co-fondée avec Henri Landes, mon mari, est une organisation à but non lucratif qui agit à travers des actions d’éducation et d’entrepreneuriat sur les thèmes de l’alimentation et de l’agriculture durables et de la préservation de la biodiversité. Nous nous sommes installés dans une ferme en Haute-Loire, afin de mettre nous-mêmes les mains dans la terre, produire un peu de notre nourriture et de faire de la pédagogie avec plus de légitimité et de connaissances pratiques.


En plus de nos actions dans le domaine de l’éducation et de l’entrepreneuriat, Landestini agit dans le domaine du sport. Il s’agit de motiver et d’accompagner les sportifs dans l’adoption de pratiques éco-responsables. Le sport est intimement lié à une bonne santé, à l’air et l’eau non polluées, à la biodiversité (surtout pour les sports en pleine nature), et à une bonne alimentation. Pour être performant dans le sport, il faut aussi une planète en bon état. A travers notre programme Sportifs pour la planète, nous travaillons autant avec des sportifs de haut niveau que des sportifs amateurs.


Henri, vous organisez le premier concours national ayant pour objet d’encourager les jeunes enfants à créer et à entretenir un potager. Quel est le principe de ce concours ? Les collectivités sont-elles associées à cette démarche ?


Nous avons lancé la 1ère coupe de France du potager, un concours national ouvert à tous les établissements scolaires, associations jeunesse et/ou d’éducation populaire, et structures jeunesse comme les centres de loisirs, ou maison des jeunes. L’objectif est de promouvoir la création et l’entretien de potagers, de reconnecter les jeunes à une alimentation saine et locale, de leur permettre de comprendre comment poussent les légumes, d’avoir une activité extérieure qui crée du lien et qui promeut les valeurs de partage et d’entraide. Nous mettons à disposition des équipes inscrites différents outils pour les accompagner dans la création et l’entretien de leur potager : nous avons développé des outils pédagogiques, organisons toutes les deux semaines des séances de formations et d’informations sur le potager grâce à l’intervention d’un expert ou une experte du potager.


Ce concours est gratuit et nous comptons plus de 360 inscriptions dans plus de 70 départements (métropole et Outre-mer), à 10 jours de la fin des inscriptions. Les collectivités se mobilisent pour diffuser l’appel à participation et nous comptons organiser plusieurs animations et formations en partenariat avec elles. La Coupe de France du potager, au-delà d’être une compétition, est un projet au service de la jeunesse et de la planète.


Les potagers pédagogiques aident à redessiner les paysages urbains. Ils s’inscrivent dans le verdissement de nos villes et participent par l’éducation à la transition énergétique. Comment pourriez-vous contribuer à repenser l’aménagement urbain ?


Les villes doivent se construire sur elles-mêmes, sans contribuer davantage à l’artificialisation des sols et en contribuant à la préservation de la biodiversité. De surcroît, les villes et leurs populations doivent s’engager dans la production de biodiversité comestible, afin de contribuer à un système alimentaire plus résilient, de prendre conscience du travail des agriculteurs dans la ruralité, de changer leur mode de consommation et pour contribuer à l’adaptation et l’atténuation du changement climatique. Des villes végétalisées permettent de mieux absorber les chaleurs, les fortes pluies, et d’être résilients face au changement climatique et à la perte de la biodiversité.


C’est pourquoi nous avons décidé de focaliser l’action de Landestini dans les établissements scolaires notamment sur la création et l’entretien de potagers et lancer ce concours national qui a motivé des centaines d’établissements scolaires et des milliers de jeunes dans tout le pays.

Au-delà du concours, vous proposez aux établissements scolaires et aux collectivités un programme d’éducation consacré à l’alimentation locale et aux modes de consommation durable. Pouvez-vous nous le présenter ?


L’éducation des jeunes est un sujet qui me touche particulièrement, car avec Henri, nous considérons que savoir d’où vient notre nourriture est aussi fondamental que savoir lire, écrire et compter. C’est pourquoi nous avons lancé un programme d’accompagnement Champions de l’alimentation durable et de la biodiversité en collaboration avec les établissements scolaires, pour que chaque enfant puisse comprendre comment fonctionne son système alimentaire et le lien entre l’assiette, leur santé, la nature, la biodiversité, le climat et les agriculteurs. Cela passe par des ateliers en classe, des visites de fermes, et des ateliers dans le potager, les mains dans la terre.


En 2019, nous avons commencé l’expérimentation du programme avec trois établissements scolaires en Auvergne. Après deux ans, nous accompagnons 15 établissements dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, et comptons en rajouter un grand nombre l’année prochaine également.

La ville de Lyon a décidé d’imposer un menu unique temporaire, sans viande mais avec poisson et œuf dans les cantines scolaires. Que pensez-vous de cette mesure ?


Pour nous, à Landestini, il n’est pas une solution de devenir tous végétariens et végans. Au contraire, nous savons que d’un point de vue écologique il est important d’avoir une interaction entre l’élevage, les animaux d’élevage, la production de légumes et de fruits, et la préservation de la biodiversité et du climat. Ce qui compte, c’est surtout de manger moins de viande collectivement mais de manger mieux de la viande, à savoir de la viande qui est locale, qui est issue d’un élevage qui respecte le plus possible les animaux, de la naissance jusqu’ à l’assiette. Ceci veut aussi dire améliorer les conditions de travail dans les abattoirs, de maintenir et redévelopper des abattoirs de proximité, et de développer l’abattoir mobile.


Il est évident qu’à l’échelle mondiale, nous devons réduire notre consommation de viande surtout notre consommation de viande importée de loin. Il y a en France de nombreux territoires où l’élevage est principalement extensif, avec des systèmes herbagers où les animaux mangent principalement de l’herbe et sont dehors la plupart de l’année. Il faut privilégier ces systèmes d’élevages durables, des fermes à taille humaine et arrêter la consommation de viande industrielle et importer d’autres pays lointains. Il est possible de consommer de la viande élevée de manière durable et proche de chez nous. Certes il y a un équilibre à trouver. En revanche, interdire la consommation et la production de viande locale n’est pas une solution sur les plans écologiques, économiques, sociales et culturels.


Vous avez lancé le 1er incubateur Landestini Cantal Auvergne qui accompagne les futurs entrepreneurs dans la création de leur projet dans le domaine de l’alimentation et l’agriculture durable. Avez-vous constaté depuis le début de la crise sanitaire un exode urbain et une volonté de reconversion vers l’agriculture ?


Nous avons créé cet incubateur d’entrepreneurs dans le Cantal, en partenariat avec la région Auvergne-Rhône-Alpes, les fonds Feder et le Conseil départemental du Cantal, pour accompagner des porteurs de projets à fort impact social et environnemental, pour promouvoir l’innovation sociale et technologique au service du territoire, son environnement ses agriculteurs et sa population. Dans sa première année, nous accompagnons 11 projets dans le domaine de l’alimentation et de l’agriculture durables, et travaillons étroitement avec la chambre d’agriculture, les collectivités, le lycée agricole d’Aurillac et les acteurs économiques et associatifs locaux. Nos campagnes regorgent de savoir-faire et de personnes désireuses d’innover au service de leur territoire. Nous voulons créer des emplois dans les campagnes et des activités économiques qui contribuent à régénérer le vivant.

Visuels © Nicole Heiling

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