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La photographie ralentit le temps pour fixer un instant de vie




Entretien avec Frédérique Touitou, Photographe - Consultante en relations publiques


Interview réalisée par Gabrielle Halpern


Quel est le rôle d’une photographie dans la vie d’un être humain ? Quel pourrait être, quel devrait être son rôle?

La photographie joue un rôle essentiel : elle ralentit le temps pour fixer un instant de vie. Elle nous invite à la découverte de l’autre, d’un lieu, d’un objet ; elle met en perspective la beauté dans le trivial. En nous affectant émotionnellement, la photographie nous mène à voir le monde différemment, à nous voir différemment.


Que répondre à certains détracteurs de la photographie qui lui reprochent de n’être qu’une vue partielle de la réalité ?


La vision humaine est elle-même une vue partielle de la réalité. Ce que l’humain voit dépend des limites de son œil, évidemment. Mais plus important encore, l’interprétation qu’il en fait dépend de bien plus de facteurs : ses expériences personnelles, son système de croyances, son environnement socioculturel…


La photographie ne déroge pas à cette règle. Elle a toutefois cette capacité d’apporter un regard différent, nouveau, de transmettre comme une part supplémentaire du réel, pour nous mener à considérer et reconsidérer ce que nous estimons réalité.


La difficulté rencontrée aujourd’hui est dans l’usage intensif de la photographie, sur les réseaux sociaux qui envahissent nos quotidiens notamment, avec une démocratisation des outils de retouche photographique. Afin de répondre à un besoin sociétal de démonstration, de « buzz », la photographie qui nous entoure est modifiée, falsifiée, « filtrée », et peut perdre tout lien avec la réalité.


Il faudrait peut-être rééduquer l’oeil au naturel et à la simplicité.


Qu’est-ce qui vous fascine dans la photographie ?


Quelle belle question ! Je me souviens du jour où je reçus mon premier appareil photo, à l’âge de sept ans. De mon regard de jeune enfant, j’étais fascinée à l’idée que tout ce qui m’entourait, tous ces adultes, tout ce mobilier et toute la pièce puisse tenir dans un si petit boîtier. Comme s’il y avait quelque chose de magique à la photographie.


Puis vînt le jour où l’on me tendit mes toutes premières photographies fraîchement développées : je me souviens vivement de l’émotion qui m’avait envahie, et surtout du silence que j’ai eu sur le moment. Je regardais ces tirages sans pouvoir parler.


La photographie est fascinante en ce silence qu’elle procure instantanément ; elle fait appel au souvenir, à l’imagination et à l’indicible… Elle nous laisse quelques instants sans mots, pour rebondir chargé d’émotions et d’histoire.


Elle représente d’ailleurs un lien intergénérationnel très important et puissant.


Vous avez une manière originale, unique de photographier une personne, en l’amenant à la fois à se libérer d’elle-même et à être pleinement elle-même. En ce sens, vous réinventez le métier de photographe en l’hybridant avec psychologie et philosophie. Avez-vous le sentiment d’être ce que j’appelle « une centaure » ?


Psychologie et photographie ont de commun cet intérêt pour l’émotion, pour l’inconscient, pour le symbole. L’une utilise les mots, l’autre utilise les images. La psychologie vise à une meilleure compréhension de ce qui se passe à l’intérieur de soi, de ce qui d’emblée paraît inaccessible ; par la photographie, l’accès à ce monde intérieur se fait par la représentation, par l’image.


Hybrider photographie et psychologie prend alors tout son sens : toutes deux sont des moyens de construction de notre identité, et surtout de notre perception de celle-ci. Or, ces deux dimensions conditionnent grandement notre estime personnelle.


Par cette méthode de thérapie par l’image que j’ai élaborée, la personne est guidée pour aller à la rencontre de ses ressources conscientes et inconscientes. Elle y puise tout ce qui est utile à la construction de l’identité à laquelle elle souhaite accéder.


Une erreur commune en effet serait de considérer l’identité comme quelque chose de fixé, de stable et univoque ; l’identité est dynamique et se construit, déconstruit, reconstruit pour s’adapter à l’évolution de la personne tout au long de sa vie.

Par la force des mots, grâce à des outils tels que programmation neurolinguistique et l’hypnose ericksonienne, j’accompagne la personne pour trouver, retrouver et créer chaque élément utile à la construction de cette identité qu’elle désire façonner. Ces outils agissent si vite qu’ils sont utilisés directement au cours de la séance photographique.


La photographie vient alors fixer ces changements, de façon immédiatement visible pour la personne. Les mots ont déjà permis à la personne de ressentir des changements au cours même de la séance ; la photographie apporte alors un support visible de ces changements, qui permet à la personne de les fixer encore plus profondément. Plus encore, les changements visibles sur les photographies sont perceptibles par tous. C’est ainsi que des grands groupes, institutions ou encore personnalités publiques me font confiance pour leur image.


À la question suis-je une centaure, la réponse est certainement OUI ! J’aime cette triple casquette de photographe, consultante en relations publiques et thérapeute ; ces trois fonctions étant finalement devenues indissociables et complémentaires pour moi. Et je n’ai certainement pas terminé d’explorer d’autres activités…


Twitter : @TouitouFred


(1) Gabrielle Halpern, « Tous centaures ! Eloge de l’hybridation », Le Pommier, 2020.


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