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La notion de proximité commerciale a changé de visage



Interview de Sandra Marsaud, députée de la Charente


Députée de Charente, en tant que rapporteure, vous venez de publier une mission d’information sur « le rôle et l’avenir des commerces de proximité dans l’animation et l’aménagement des territoires ». Quels sont pour vous les grands enseignements de cette étude ?


Je vois deux grands enseignements. D’abord, le commerce en France se porte bien. Son chiffre d’affaires pèse autant que celui qui est réalisé par l’industrie. Cependant, il souffre d’une inégale répartition sur le territoire français, souvent lié à des facteurs de perte démographique, de déprise économique, de manque d’intégration à une politique plus large d’aménagement de son quartier d’insertion. Cela donne lieu à des recommandations souvent liées à des réponses locales qui pallient des situations locales.

Comment se définit la proximité sur le plan commercial ? N’y a-t-il pas parfois opposition entre centralité et proximité ?


La notion de « proximité » commerciale a changé de visage au fil de l’évolution de l’urbanisation des cinquante dernières années, cela ne date donc pas d’hier… De fait, les « centres » sont à la fois géographiquement ceux des villes anciennes, mais aussi des secteurs « accessibles » selon les usages et modes de consommation des citoyens, sur leur « parcours » entre travail, écoles, services administratifs ou de santé, ou autres activités… établis, il faut bien le dire, désormais souvent en « sorties » de villes, elles-mêmes rattrapées depuis par des quartiers pavillonnaires…


Nous devons donc regarder aujourd’hui ces zones dites « périphériques » comme des enjeux de reconquête de la ville, de l’urbanité. Ces « quartiers » pourraient voir muter des espaces mono-fonctionnels au service de la lutte contre l’artificialisation des sols et de manière complémentaire en termes de services (et de commerces etc…) aux centres-villes plus anciens.



Comme vous le soulignez dans votre rapport, le commerce est le reflet d’une situation économique et démographique du territoire. La question du commerce n’est-elle pas finalement celle de l’aménagement du territoire et donc de son attractivité ?


La question de départ était de décrypter le rôle du commerce de proximité dans l’aménagement. Même si je suis urbaniste et que je connais les ressorts de l’aménagement du territoire, très variés et transversaux, les 42 auditions ont confirmé que réfléchir au bon aménagement, celui qui est adapté à la taille de la ville ou à sa sociologie devait s’articuler avec une véritable stratégie commerciale, intégrant les déplacements, piétons ou non, les stationnements, la présence des services publics administratifs ou de santé, la question du logement… Bref, toutes les solutions pour créer ou renforcer du flux, ou, encore mieux, de la vie, du lien social dans les quartiers concernés.


L’arsenal de dispositifs publics déployés ces dernières années (loi ELAN, plan Action Cœur de Ville, ORT...) vise un rééquilibrage entre commerce de périphérie, dont l’expansion est désormais très lente, et commerce de centre-ville. Mais le vrai sujet n’est-il pas ailleurs… entre commerce physique et numérique ?


Comme je l’ai indiqué dans mes réponses précédentes la « périphérie » (qui ne l’est souvent plus, rattrapée elle-même par de la ville récente), est à mon sens un sujet de projet urbain global en lui-même, à construire en fonction du centre-ville existant et de ses propres fonctions, à coordonner.


Le virage de la digitalisation a été pris, de nombreuses études le montrent comme celles du CREDOC qui analyse ce phénomène depuis les années 2010. Mais aujourd’hui, tout comme la répartition physique inégale en France, l’adaptation de l’activité des commerçants indépendants et des TPE aux outils numériques est inégale. Aussi bien en termes de budget que de support technique et de recrutement. Nous faisons ainsi des recommandations visant à démocratiser l’usage de ces outils d’une part, mais aussi en rappelant la nécessité d’harmoniser les taxes entre commerce électronique et physique, qui se décide au niveau européen.


Le chiffre d’affaires du commerce en ligne est passé de 700 millions en 2000 à 130 milliards en 2021 entraînant de nombreuses conséquences sur le commerce physique. On ne doit pas oublier qu’un entrepôt n’a pas la valeur sociale et humaine qu’une rue commerçante, une galerie marchande ou un centre commercial. Quelles mesures proposez-vous pour faire par exemple converger la fiscalité entre commerce physique et commerce en ligne ?


Comme les auditions nous l’ont montré, l‘évolution de la digitalisation dans le commerce s’accompagne de plusieurs phénomènes, dont l’omnicanalité. L’adaptation des grandes enseignes, mais aussi d’entreprises françaises spécialisées dans la vente de leurs productions prouve que le système alliant commerce physique et en ligne est une vraie orientation durable de l’activité de commerce, désormais beaucoup « phygital ».


De ce fait, la convergence des systèmes de vente, digital et physique, rend complexe la différenciation en termes de fiscalité. Nous proposons notamment dans notre recommandation n°15 de commencer par réformer la taxe sur les surfaces commerciales et dans la n°16 de négocier rapidement, durant la présidence française du conseil de l’Union européenne par exemple, une juste imposition en matière de TVA et d’instaurer leur responsabilité quant aux produits vendus sur le territoire national et européen.


Pour en savoir plus :

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