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Interview de Luc Bouard, Maire de la Roche-sur-Yon




Vous avez affirmé « On a toujours eu la volonté de faire entrer La Roche dans son siècle » qu’est-ce que cela signifie et comment on concrétise ces paroles à l’échelle d’une ville et d’une agglomération ?

 

En 2014, j'ai promis aux habitants de La Roche-sur-Yon de travailler à transformer notre ville en une ville dynamique, ouverte et solidaire. Vous savez, être maire c'est un engagement total, 24h/24, pour trouver des solutions concrètes qui améliorent le quotidien de nos concitoyens. Cela veut dire qu’il faut connaître la réalité du terrain et être à l’écoute des habitants pour répondre au mieux à leurs attentes, tout en ayant une vision pour l’avenir et pour les générations futures. Il faut se souvenir que lorsqu’on évoquait La Roche-sur-Yon, l’image de notre ville n’était pas très fleurissante…pas même aux yeux de certains Vendéens. Aujourd'hui de nombreux Français savent situer notre ville sur une carte, et lors de mes déplacements, tous mes interlocuteurs savent désormais caractériser La Roche-sur-Yon et en parlent plutôt positivement. 

Tout cela n’a rien d’anecdotique et ne doit rien au hasard : nous avons agi concrètement pour renforcer notre système éducatif, assurer la tranquillité publique, stimuler notre économie locale, et protéger notre environnement. Cette réussite réside dans notre capacité à agir sur les réalités, en concertant les yonnais et les habitants de l’agglomération. Et cette coopération entre les 13 maires de notre agglomération a porté ses fruits : le taux de chômage à La Roche-sur-Yon a chuté de façon spectaculaire en passant de 11,2% en 2014 à 4,8% en 2023, nos entreprises n’ont jamais été aussi dynamiques et le nombre de nos étudiants à plus que doublé. A ce jour, j’ai l’audace de penser qu’avec mon équipe municipale et les maires qui travaillent à mes côtés, nous avons réussi à réinventer La Roche-sur-Yon et à l'ancrer dans son époque : plus innovante, inclusive et prospère au service des 100 000 Agglo-Yonnais.



À l’heure du zéro artificialisation nette (Zan), la réhabilitation des zones d’activités vieillissantes et le traitement des friches industrielles apparaissent comme un enjeu essentiel pour garantir l’accueil et le développement d’entreprises partout en France. Peut-on concilier les enjeux de la réindustrialisation et de la sobriété foncière ?  


Je crois que c’est possible mais surtout que c’est essentiel ! En tant que maire et président d’agglomération, j’ai la responsabilité et même l’obligation de trouver des solutions innovantes pour permettre à nos entreprises de se développer tout en répondant aux enjeux écologiques. Si le Zéro Artificialisation Nette (ZAN) représente un enjeu significatif vers la préservation des terres agricoles et des paysages naturels, ce défi nécessite cependant une adaptation législative pour répondre aux spécificités de chaque département. La question sous-jacente c’est « comment appliquer notre stratégie développement économique tout en s’adaptant aux nouvelles législations ? » Nous y œuvrons déjà depuis plusieurs années et j’y travaille à l’heure actuelle avec le Ministre Christophe Béchu pour que nos efforts permettent de préserver nos terres tout en favorisant la création d'emplois.


Notre stratégie s'articule autour de compromis écologiques concrets, comme l'amélioration de l'efficacité énergétique des bâtiments, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, et notre programme « 100 000 arbres pour demain ». En agissant ainsi, nous façonnons une ville plus durable, plus accueillante et plus prospère pour les générations à venir. De même nous développons de nouveaux modes de circulation et d'habitat, pour améliorer l'accessibilité aux services publics, aux loisirs, à la culture, sans oublier les déplacements domicile-travail. La solution n’est pas simple, mais nous la trouverons car en Vendée nous sommes attachés à notre terre, qui fait vivre de nombreuses entreprises familiales !





Annoncée en 2021, la transformation de l’ancienne usine de pneumatiques de Michelin en pôle d’excellence dédiée aux énergies décarbonées est une formidable réussite pour le territoire. Cette opération a été qualifiée de « modèle de réinvention industrielle réussie » par le Ministre de l’économie. Comment avez-vous conduit cette reconversion ? avec quelle méthode ?


Cela n’a pas été simple, mais nous y sommes parvenus après beaucoup d’efforts et un travail de longue haleine avec les différents partenaires. La transformation de l'ancienne usine Michelin en un pôle d'excellence dédié aux énergies décarbonées a été guidée par une vision audacieuse et une méthode millimétrée. Notre approche s'est articulée autour de l'initiative ATINEA (Atlantique Technologie Innovation Nouvelles Énergies Automatisme), qui est née le lendemain du 10 octobre 2019. Ce jour-là, Michelin, qui depuis 48 ans a employé des dizaines de milliers d'Agglo-yonnais, décide de fermer ses portes. Une fois la stupeur et la colère digérées, nous avons deux solutions : la résignation ou l’action. Je suis de ceux qui agissent, et qui savent s’entourer ! Une fois rassurés sur le sort des 619 employés de Michelin, avec mes collègues élus de l'agglomération, nous avons décidé de prendre le sujet à bras-le-corps et de nous battre, pour faire de ce site de 20 hectares, situé en entrée de ville de La Roche-sur-Yon, un pôle d'excellence, dédié aux mobilités innovantes et aux énergies nouvelles et renouvelables. 


Grâce à des partenaires locaux tels que Vendée-Energie et le Sydev, mais aussi avec l'entité Michelin, la banque des territoires et Oryon nous sommes parvenus à inaugurer en décembre 2021 la première station-multi-énergies 100% vertes et 100% locales de France sur le site d'ATINEA. Cette réalisation a représenté un jalon majeur de cette reconversion. Ensemble nous avons créé un écosystème propice au développement des énergies nouvelles et des mobilités innovantes, le tout « made in Vendée ». La reconnaissance et le soutien de personnalités influentes comme Le Ministre Bruno Le Maire, puis la Ministre Dominique Faure et enfin Jean Castex en tant que président de la RATP aux côtés de Frédéric Mazella patron de BlaBlaCar ont renforcé notre démarche. Fin 2023, la création du premier centre national de formation dédié à la reconversion et à la maintenance des bus à hydrogène témoigne de l'ampleur et de la pertinence de notre projet. Désormais, tous les conducteurs de bus à hydrogène, ainsi que les personnes qui participeront à l'entretien des bus gérés par la RATP en France, seront formés à La Roche-sur-Yon. Il aura fallu se battre mais aujourd’hui nous sommes fiers de contribuer activement à façonner un avenir où l'innovation et le développement économique se conjuguent pour offrir à notre ville et à notre agglomération une place de premier plan dans la course vers l'innovation et l’excellence. Dorénavant, La Roche-sur-Yon s'affirme comme la première locomotive économique décarbonée de France. Ce n'est que le début de l'histoire, et ce site deviendra – si l’État continue à nous accompagner sur cette lancée- une vitrine nationale de la mobilité décarbonée et un emblème de la réussite économique du Grand Ouest.




L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait”. Que pensez-vous de cette phrase prononcée en 1950 par Robert Schuman ? A quelques mois des élections européennes, les maires profitent-ils de l’Europe ?


Cette citation de Robert Schuman résonne toujours aujourd'hui, tout en rappelant que si l'Europe s’est construite dans le temps long, elle reste fragile et à besoin d’une union de tous ses membres. À l'approche des élections européennes, il est crucial de saisir l'importance de notre vote pour préserver cette démocratie européenne. A savoir si les maires profitent de l’Europe ? Oui même si les français ne s’en rendent pas forcément compte. Que ce soit à travers des jumelages, des coopérations et des échanges ERASMUS, mais aussi via des subventions qui permettent de réaliser des équipements culturels, des évènements et des actions d’envergure internationale. 


A La Roche-sur-Yon nous avons un service qui gère le centre d’information Europe Direct en lien étroit avec la commission européenne. Mais avant d’en profiter, il ne faut pas oublier que l’Europe c’est avant tout des valeurs et des principes. Et en tant qu’européen convaincu je sais tout ce que la France doit à l'Europe, notamment dans le domaine des libertés. Aujourd'hui nous sommes les habitants d'un continent où les droits fondamentaux sont les mieux protégés. Et j’entends participer à mon échelle à resserrer les liens entre les peuples.

Les maires ont un rôle essentiel dans cette dynamique, car ils incarnent la proximité avec les citoyens et sont les premiers acteurs de la vie démocratique locale. Ils doivent saisir cette opportunité pour rappeler l'importance de l'Europe dans notre quotidien, tant sur le plan économique que sociétal, et en encourageant la participation citoyenne aux élections européennes. La tribune de Bernard Cazeneuve et Edouard Philippe fin 2023 souligne le risque posé par les extrêmes, qui menacent de diviser et de fragiliser nos sociétés. En tant que citoyens, nous avons le devoir de défendre les valeurs démocratiques et de faire entendre notre voix pour contrer ces menaces. C'est aussi par notre engagement et notre participation aux élections européennes que nous pouvons contribuer à renforcer la solidarité et la cohésion au sein de l'Europe. 






À La Roche-sur-Yon, il y a deux places portent le nom de présidents de la République, François Mitterrand et Jacques-Chirac, à deux pas de l'avenue De Gaulle, et de la rue Pompidou. Je crois que vous appréciiez tout particulièrement Jacques Chirac. Que retenez-vous de sa personnalité et de ses mandats présidentiels ? Pour gouverner disait-il, il faut « respirer le pays ». Qu’en pensez-vous ?


En Vendée, notre attachement à nos racines et à notre histoire est profondément ancré. Quand on évoque La Roche-sur-Yon on pense avant tout à la Place Nap’ qui symbolise notre identité, rappelant le décret de Napoléon Bonaparte en 1808 qui a établi notre ville comme préfecture de la Vendée, un événement que nous célébrerons cet été pour son 220e anniversaire.

En tant qu’élu de terrain, je suis constamment présent dans les quartiers à la rencontre des habitants, des commerçants et des acteurs associatifs. Je crois que j’ai gardé de Jacques Chirac cet engagement pour la France, et cette manière de rester accessible tout en exerçant des fonctions politiques. Jacques Chirac incarne encore aujourd’hui la convivialité et l'attachement à notre culture française. Il avait une capacité à rassembler et à servir dans l’intérêt de tous. En tant que Gaulliste fidèle, Jacques Chirac a su s’opposer à la deuxième guerre d'Irak, lutter pour les droits de l'Homme et s’engager en faveur de l'abolition de la peine de mort. Sa sensibilité aux questions du handicap et de la santé mentale, ainsi que son alerte précoce sur l'urgence écologique, démontraient son souci constant du bien-être des citoyens et de la préservation de l'environnement. C’est tout naturellement qu’en apprenant sa disparition, le conseil municipal a voulu témoigner sa reconnaissance à une personnalité politique et à un homme engagé en faveur de l’unité nationale. Nous avons donc inauguré l’été dernier la Place du Président Jacques-Chirac et sa statue à La Roche-sur-Yon. Un lieu de vie, à proximité des bars et des restaurants, un lieu de rencontres animé par de multiples animations associatives, culturelles et sportives. Cette place sera d’ailleurs le point central cet été du passage des Flammes Olympique et Paralympiques.

Pour ce qui est de « Respirer le pays » ! Il est important lorsqu’on est au cœur des décisions politiques d’être aux prises avec la réalité. Raison pour laquelle j’ai placé mon mandat sous le signe de la concertation et des échanges. Pour tout décideur politique, il n’y a qu’une réalité qui vaille, c’est l’action et le pragmatisme. Et c’est parce que mon équipe et moi-même agissons pour les yonnaises et les yonnais que 70% de notre programme a déjà été réalisé à mi-mandat. C’est ainsi que nous portons un nouveau souffle à notre ville qui avait besoin de changement et comme nous le disions, le meilleur moyen de faire entrer La Roche-sur-Yon dans son siècle.

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