Tribune de Gabrielle Halpern
Il y a deux moments dans l’année où l’on prend de bonnes résolutions : l’un pour la nouvelle année et l’autre à la rentrée de septembre. Ces résolutions, qui vont de l’inscription à la salle de sport aux cours de dessins, en passant par débarrasser plus souvent le lave-vaisselle ou regarder moins souvent la télévision, viennent d’un désir enfoui très profondément en nous… Celui de changer, d’être une nouvelle personne. Pour certains, cela se traduit matériellement par l’achat d’une nouvelle tenue vestimentaire, d’une nouvelle coupe de cheveux, d’un nouvel itinéraire pour aller au travail, qui vont accompagner les résolutions qui ont été prises. Comme si l’on voulait physiquement devenir quelqu’un d’autre et que le temps pour cela était enfin venu.
Face à ce désir de renouvellement, merveilleusement humain, il y a ce mot étrange : « rentrée ». Rentrer, c’est-à-dire « entrer de nouveau »… Cette idée de retour était déjà présente en 1140 lorsque le mot aurait été utilisé pour la première fois dans la langue française, selon le Centre national des ressources textuelles et lexicales. Ce terme de « rentrée » laisse penser que nous rentrerions en étant exactement les mêmes qu’avant, que nous nous sommes juste absentés pendant un moment et que nous reprenons notre place au bercail, ni vu ni connu.
Aurions-nous inventé ce mot pour nous rassurer les uns les autres ? « Non, non, ne t’inquiète pas, je me suis absenté cet été, mais je reviens, je n’ai pas changé, tout sera comme avant »… Est-ce pour ne pas étonner, pour ne pas déstabiliser les autres que nous n’osons pas changer profondément ? Il serait tellement plus juste, tellement plus vrai de dire qu’il s’agit d’une « entrée », - et non d’une rentrée -, d’un commencement, d’un nouveau monde et d’une nouvelle personne, que l’on inaugure. La métamorphose n’est-elle pas le bonheur de la vie ? Pourquoi en aurions-nous honte ?
Tous les vivants sont appelés à la métamorphose, les plantes, comme les animaux et les êtres humains ; il n’y a que les morts qui ne changent plus… C’est d’ailleurs peut-être cela qui rend la mort si terrible ! Nous, qui avons souvent tant de mal à vivre les changements, nous devrions nous souvenir que leur possibilité même est le luxe des vivants. Ne revenons pas, mais venons ! Ne rentrons pas… Mais entrons !
Comments