Photo : ©Ludwik Pruszkowski
Pour ceux qui ont assisté à mes performances, qui ont vu quelques-uns de mes films ou ont suivi mes voyages sur les social media, sachez que les bateaux en papier ont un aspect symbolique et permettent un retour à des émotions primaires, à des choses très simples.
Au début de mois de décembre nous avons participé au Festival Ovni à Nice, un festival international d’art audiovisuel, avec la performance Travel with Estera. Les spectateurs et les professionnels d’art étaient invités à découvrir les différents travaux d’artistes répartis dans les chambres de cinq hôtels de la ville.
Nous avons créé une mise en scène où je suis assise seule dans une chambre d’hôtel pendant quatre jours, et je plie en continu des bateaux en papier. Je me mets dans un état de transe, je ne vois plus personne, prise par le rythme de mes pliages qui créent une ambiance répétitive par les mouvements réguliers, hypnotiques, méditatifs. Ayant ainsi trouvé mon silence intérieur, je le partage avec le public.
Mon coéquipier Ludwik Pruszkowski qui est chef-opérateur, a créé une ambiance lumineuse immersive, un univers coloré, mouvant, subtil et poétique, qui nous transporte dans un autre réel. Le compositeur Wojciech Golczewski a créé un univers sonore, une traversée d’émotions pour toute la durée de la performance. Nous créons ainsi un moment où le public peut s’asseoir, ralentir, faire une pose en suivant le rythme du mouvement méditatif du pliement.
Avant la performance, Ludwik m’a dit qu’il ne se retrouvait pas vraiment dans ce monde trop « idyllique » à ses yeux, dans le « dream ». Il manquait selon lui quelque chose. Moi ce que je veux c’est toucher les gens avec cette poésie, je suis souvent très touchée par ce qu’elle produit auprès du public. A-t-on besoin de tout expliquer ? Peut-être que cet espace hors-temps forme tout simplement un espace où chacun peut créer sa propre relation intime avec lui-même, grâce au rythme que j’installe.
Est-on vraiment obligé de raconter toute une histoire et d’expliquer pourquoi nous sommes là, d’où viennent les bateaux ? J’aime beaucoup me servir du langage métaphorique, il ouvre les portes à l’interprétation la plus large et permets d’entrevoir les choses à un niveau plus complexe, dans le non-dit. Je vais cependant réfléchir à cette question, et je vous en dirai plus prochainement…
Ma performance propose un univers doux et englobant, très régressif, comme pour retrouver l’origine du monde. Christian Boltanski m’a un jour raconté l’histoire du fœtus qui sait déjà tout dans le ventre de sa mère. Mais l’accouchement est si douloureux qu’il oublie tout.
Et pour retrouver tout ce qu’il savait déjà, ça lui prendra toute sa vie.
Estera Tajber
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