Entretien avec Rachid Santaki, romancier, journaliste, entrepreneur, scénariste et fondateur de la « Dictée géante »
Interview réalisée par Gabrielle Halpern
Vous avez un parcours extraordinaire et très riche ; pourriez-vous nous en dire quelques mots ? Comment votre amour des mots, de l’orthographe est-il né ?
Mon amour pour les mots est né d’une contrainte. J’ai grandi dans un contexte compliqué avec des parents déchirés et un père assez violent. Enfant, je devais faire la dictée à mon père qui apprenait la langue française et qui vouait une admiration pour cette langue. C’était donc les seuls moments où mon père n’était pas en colère, n’était pas violent. Il était complètement différent devant sa copie.
Pourquoi est-il important, aujourd’hui, d’écrire avec justesse?
Il est primordial d’écrire avec justesse, d’avoir les bons mots pour donner une épaisseur et de la force à son propos, à son message, à ce que l’on veut partager. C’est la maîtrise de la langue qui offre une alternative à la violence. C’est cette même langue qui permet une insertion ou une évolution professionnelle. Enfin, c’est la langue qui nous permet d’accéder à la culture et de s’élever intellectuellement et socialement. Quand on sait écrire, on a une perspective sans limite.
Quel rôle l’orthographe (conjugaison, grammaire, syntaxe) joue-t-elle dans la vie d’un individu ? Et dans la vie de la Cité ?
L’orthographe est l’une des clés pour la maîtrise de la langue. L’orthographe, c’est l’histoire d’un mot, son récit et aussi des règles. L’orthographe nous sert et nous suit durant toute notre existence, elle joue un rôle quelle que soit notre situation sociale. C’est aussi quand on ne l’a pas qu’on peut basculer et se retrouver dans différentes difficultés.
Racontez-nous comment votre idée de « Dictée géante » vous est apparue !
La Dictée Géante est une succession de rencontres. C’est la ville de Clichy-sous-Bois qui m’a invité à lire une dictée. Après cette lecture, la dictée a été un moyen de valoriser de nombreux territoires délaissés ou stigmatisés. Si l’aventure de la dictée a commencé en tant que lecteur, elle a pris une autre dimension quand j’ai décidé d’être acteur de ce projet pour réunir tous les publics autour de cet exercice improbable. En huit ans, j’ai constaté l’impact social de la dictée, j’ai décidé de lui donner une réelle profondeur, en la portant dans des monuments historiques et jusque dans l’espace. C’est aussi un rendez-vous radiophonique sur France culture qui a compris la puissance de cet exercice.
Comment interprétez-vous le succès immense rencontré par votre initiative « La dictée géante », en particulier auprès des jeunes ?
C’est surtout un travail de réseau avec les enseignants, les éducateurs et tous les encadrants qui motivent les jeunes à venir. Une fois qu’ils sont face à moi, je reprends le relais d’un travail en amont en leur donnant envie d’écrire, de lire et parfois de devenir organisateurs de dictées. La dictée devient un jeu !
De la même manière que l’art naît des contraintes, la littérature naît-elle des règles de l’orthographe ?
Non, la littérature c’est d’abord une voix : celle d’un auteur. Des histoires structurées et améliorées. Cette voix qui construit et porte l’histoire s’adapte avec le temps et l’orthographe devient nécessaire pour donner plus de force à son texte. On peut écrire sans avoir une bonne orthographe, mais si on veut un texte puissant, on doit améliorer son orthographe.
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