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« Pour une politique de l’eau adaptée au défi climatique »

Entretien avec Yannick Haury, député de Loire-Atlantique (Renaissance)





Vous êtes corapporteur, avec le député Vincent Descoeur (Les Républicains), d’un rapport d’information consacré à l’adaptation de la politique de l’eau au défi climatique. Pourquoi ce rapport ?


Notre rapport d’information s’inscrit dans un contexte particulier : si, au printemps dernier, le Plan eau avait été présenté par le gouvernement, les esprits étaient encore marqués par la sécheresse inédite de 2022. Cette sécheresse a constitué un véritable point de bascule dans les consciences. Nous avons collectivement découvert, souvent en en faisant soi-même l’épreuve puisque 80 départements avaient pris des arrêtés pour limiter les usages de l’eau, que l’eau n’est pas une ressource infinie. 


L’idée de la mission d’information était de prendre acte de ce choc puis de formuler des recommandations, à inscrire dans une proposition de loi, pour éviter qu’il survienne à nouveau. 


D’aucuns redoutent que la raréfaction de la ressource en eau se traduise par un accaparement de cette ressource par certains, au détriment de l’environnement. L’exemple des méga-bassines, baptisées réserves de substitution d’irrigation, au service de l’agriculture intensive est souvent avancé. Est-ce un risque réel ? Quel est votre regard sur les méga-bassines ? 


En France, le dérèglement climatique ne se caractérise pas tant par la variation du niveau d’eau déversé par les intempéries que par la concentration de ces épisodes dans le temps. À titre d’exemple, l’hiver dernier, il n’a pas plu pendant 32 jours. 


C’est pourquoi il y a un besoin indéniable de stocker l’eau pour faire face aux épisodes de sécheresse. En revanche, il est vrai qu’il nous faut toujours garder à l’esprit qu’il n’y a pas de solution miracle. La clef est de développer la multifonctionnalité, en adaptant les solutions aux caractéristiques géographiques et sociales des territoires. 


Il y a aussi des démarches à entreprendre en parallèle du stockage de l’eau. L’agriculture doit évidemment se réinventer, comme elle le fait déjà. La sobriété à l’hectare, grâce au choix de semences moins consommatrices d’eau ou encore au progrès technologique dans les systèmes d’irrigation, est une nécessité pressante. 


Les pouvoirs publics appellent d’ailleurs à l’émergence d’une « culture de la sobriété hydrique » se diffusant jusque dans les gestes quotidiens des Français. Concrètement, qu’est-ce que cela implique ? 


À mon sens, la sobriété est, sans conteste, le sujet majeur. Elle concerne absolument tous les territoires et tous les acteurs. D’ailleurs, les Français en sont d’ores et déjà conscients puisque leur consommation n’a de cesse de diminuer.


La sobriété veut dire deux choses : nous ne devons prélever que ce qui nous est nécessaire ; et nous devons en optimiser l’usage. Avec ces deux exigences à l’esprit, nous avons identifié un immense frein à cette démarche. En effet, nous nous sommes aperçus que tous les foyers n’ont pas de compteurs et que tous les immeubles ne sont pas équipés de compteurs individuels. Comment encourager alors la sobriété ? Comment la rendre attractive ? Le diable se cache parfois dans les détails. 


Pour conclure sur la sobriété, Vincent Descoeur et moi-même souhaitons inscrire dans la loi l’objectif de réduction de la consommation d’eau nationale à hauteur de 10% d’ici à 2030.


Payons-nous l’eau à son juste prix ?


Le prix moyen de l’eau oscille entre 4 et 5 euros au mètre cube. Le prix total est composé à 80% des frais de prélèvement et de traitement tandis que les 20% restant sont des taxes et redevances. 


Pour m’en tenir à votre question, le juste prix de l’eau est celui qui garantit une eau de qualité, un rejet dans la nature qui soit aligné avec les exigences environnementales ainsi qu’un entretien du réseau conforme à nos normes sanitaires. 


Pour prendre un exemple, l’Agence de l’eau de l’Adour-Garonne a fait le choix de n’apporter des aides qu’aux collectivités ayant une tarification de l’eau suffisante pour financer l’entretien du réseau. C’est une très bonne initiative puisque, en définitive, le véritable problème causé par le faible coût de l’eau n’est autre que le manque de considération des élus pour les pertes engendrées par les défauts de leurs réseaux hydriques. Perdre 20% de l’eau, à l’échelle des finances des communes, c’est anecdotique. En revanche, en matière écologique, ça ne l’est pas. En outre, changer des tuyaux, ça n’est pas particulièrement gratifiant pour un élu local. Tous ces éléments expliquent pourquoi certains tuyaux ne sont renouvelés qu’une fois tous les 150 ans. C’est une aberration écologique et sanitaire. 


Des métropoles s’illustrent-elles par leur gestion de la ressource en eau ? 


Oui, véritablement. Des métropoles n’ont pas attendu la mission d’information pour réinventer la politique de l’eau et se trouvent à l’avant-garde sur ce sujet.


Nous nous sommes rendus à Montpellier à la découverte de la tarification saisonnière introduite par la métropole. En effet, dans la métropole montpelliéraine, les prix augmentent lorsque les besoins en eau augmentent – tout en pouvant intégrer une dimension sociale. Très prosaïquement, l’été les tarifs sont plus élevés. La Vendée y réfléchit également. La métropole de Montpellier a également créé son propre un label qu’elle attribue aux communes engagées dans une démarche de sobriété. 15 communes de la métropole sont déjà labellisées, avec une baisse de leur consommation de 10%. Ce sont des initiatives à encourager. 


La métropole lyonnaise s’est, elle, fixé l’objectif de devenir une ville perméable. Pour cela, elle recrée des couloirs de circulation, des espaces avec de la végétation. Elle est également engagée dans le réaménagent des trottoirs, dont elle enlève les bordures, pour que l’eau aille directement aux pieds des arbres. C’est tout sauf anecdotique. Du reste, cela montre bien que repenser la ville pour l’eau, c’est l’opportunité de repenser la ville dans toutes ses dimensions à l’image de celle de la mobilité.


Plus largement peut-être, je voudrais dire que, au-delà de ses métropoles à l’avant-garde, nombre de communes repensent leur utilisation de l’eau. Cela se fait aussi en collaboration avec les acteurs des territoires : les golfs en sont un bon exemple.


Devant la multiplication des catastrophes naturelles, d’une part, et face à l’exposition exponentielle des logements au risque de retrait-gonflement des sols argileux (RGA), d’autre part, de nombreux acteurs alarment sur la menace de non-assurabilité qui pèse sur certains actifs et communes. Avez-vous une préconisation pour s’en prémunir ? 


En écoutant votre question, il m’est revenu à l’esprit un cas d’espèce qui illustre les inquiétudes que vous évoquiez à juste titre. En effet, l’été dernier le préfet du Var a pris un arrêté qui encadrait l’utilisation de l’eau, ce qui a notamment impacté les activités des bases de loisirs aquatiques. Les assurances n’ont pas couvert les pertes d’exploitation qui en ont résulté.


Du reste, il me semble que la meilleure solution est d’associer les assureurs dès la conception des nouveaux projets afin d’en garantir l’assurabilité future. C’est d’ailleurs une demande récurrente des assureurs. 


Néanmoins, mon inquiétude n’est que relative puisque, en définitive, l’assureur final n’est autre que l’État.


Vous défendez un véritable « bouquet de solutions » puisque vous ne formulez pas moins de 81 recommandations. Si vous ne pouviez en retenir que trois, lesquelles choisiriez-vous ?


La première d’entre elles serait d’encourager la tarification progressive de l’eau et, surtout, interdire immédiatement les tarifications dégressives qui incitent aux gaspillages. La tarification dégressive est la marque d’un autre temps, celui où l’on présumait que la ressource en eau était infinie. C’est donc un véritable changement de paradigme qu’il nous faut entreprendre.


La deuxième préconisation que je voudrais partager consiste à rendre obligatoire la définition, dans les documents d’urbanisme, d’un coefficient d’imperméabilisation et d’inscrire un objectif de réduction de celui-ci dans le temps. Je suis convaincu que les parcelles perméables sont à développer sans attente. 


La troisième, et dernière si j’entends bien votre question, recommandation est celle de créer une loi de financement pluriannuelle de la transition écologique. Cette loi comprendrait un volet eau qui planifierait la gestion de la ressource en eau. Nous avons besoin de planifier nos efforts. 

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