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Pour un réarmement politique


Tribune de Brice Soccol, politologue et essayiste




L’élection de Donald Trump a changé les paradigmes et les grands équilibres internationaux qui nous semblaient acquis depuis 1945. Son imprévisibilité stratégique a conduit aux incertitudes internationales. Soudainement, nous avons pris conscience que l’Histoire n’était pas finie et qu’il nous fallait continuer à l’écrire. Le trumpisme triomphant est venu réinterroger l’Europe sur sa raison d’être et sa capacité d’agir à un moment où blocs, souverainetés, identités, communautés s’inscrivent dans le présent. 


La France, comme d’autres pays européens, est rattrapée subitement par son modèle de société devenu anachronique, incapable de se réformer, confronté à une crise budgétaire et politique. Une crise qui s’illustre notamment par la défiance qui touche de plein fouet les élus nationaux, jugés incapables d’écouter, de comprendre et de répondre aux besoins d’une majorité de Français. Une défiance qui s’est transformée en colère lors des élections législatives des 30 juin et 17 juillet dernier, après la dissolution de l’Assemblée nationale par le Président de la République. La France du local a alors exprimé son incompréhension, freinée par le Front républicain, laissant une Assemblée nationale plus divisée comme jamais.


Une incompréhension illustrée par la célèbre citation de Pascal « Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà ». Une impuissance nationale symbolisée récemment par le refus de l’Association des Maires de France de participer au « comité d’alerte sur le budget » à l’initiative du Premier Ministre, le 15 avril dernier. Des mots qui ont blessé comme ceux de Bruno Lemaire accusant les collectivités territoriales d’être responsables du creusement du déficit public en 2024. Tout se passe comme si un mur s’était progressivement élevé entre les élus nationaux et les élus locaux ; un mur institutionnalisé par le non-cumul des mandats, un mur consolidé par une réalité politique construite, en reprenant les mots de Marcel Gaucher « entre les progressistes et le peuple », illustrée par exemple par le difficile équilibre entre l’urgence environnementale et la justice sociale des ZFE. Un mur renforcé par des mots d’impuissance qui abîment et insultent, comme la proposition de Laurent Wauquiez d’enfermer dans un centre de rétention à Saint Pierre et Miquelon les « étrangers dangereux ». Comme si le fait de passer de passer de Président de région à parlementaire, puis candidat à la présidence nationale d’un parti lui avait permis d’enjamber le mur mitoyen et de tomber dans une radicalité verbale, aveu d’impuissance publique.  « Je radicalise, donc je suis » n’est que l’écho de  cette impuissance, du blocage de nos institutions et de l’individualisation de l’action politique.  


Ne nous étonnons pas alors si la défiance à l’égard du politique national  ne cesse de croître en raison d’un sentiment de déficit de l’action publique, d’une crise du résultat et d’une crise des valeurs, comme si la seule action publique locale permettait de matérialiser la « promesse du politique » et transformer la vie des Français ! Cette « dystopie » de la politique nationale française ne nous permettra certainement pas d’affronter les grands défis nationaux et internationaux qui nous attendent. Par ailleurs, la question se pose de savoir si les prochaines élections municipales répondront à la promesse républicaine ou si le spleen démocratique, le repli identitaire et le contexte international s’immisceront dans la sphère locale. 


Il y a donc urgence à réarmer politiquement la France ; seule condition pour lutter contre la lassitude des citoyens à l’égard de la démocratie elle-même. Cela signifie qu’il faut changer le rapport que les citoyens entretiennent avec la représentation politique. Savoir répondre aux différentes attentes des Français tout en définissant une perspective politique commune, n’est-ce pas finalement ce que Max Gallo appelait le récit national ? « C’est ce qui fait qu’on n’est pas seulement des individus, mais aussi des citoyens », écrivait-il.  La diversité de nos points de vue, les doutes, les interrogations sur les grandes transitions nationales et internationales auxquelles sont confrontés nos concitoyens doit conduire à imaginer un nouveau récit national.


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