Pour la première fois, la France occupe la première place de l’Open Data Maturity report ! Un bel encouragement à poursuivre les efforts déployés par la Dinum, Etalab, le Parlement, et les gouvernements successifs.
Créé en 2015 par data.europa.eu, ce benchmark a pour objectif d’améliorer l’accès à l’open data, de favoriser l’ouverture de données qualitatives aux niveaux national comme régional et local ainsi que d’accroitre son impact.
Ce qu’on retient du rapport
Sur quatre enjeux majeurs, le cadre politique, le portail national d’open data, la qualité de la mesure de l’impact de l’open data et la qualité des données ouvertes, l’étude tend à évaluer la maturité des Etats membres de l’Union européenne.
Open data maturity report – 2021
Le premier volet, intitulé « Open Data Policy », a pour objectif de rendre compte des politiques et stratégies nationales spécifiques ainsi que de l’existence et l’efficience de la structure de gouvernance dédiée.
Les pays les plus matures en termes de stratégie sont la Slovénie (99%), le Danemark (98%), la France (98%) et l’Italie (98%). A noter, un effort particulier de la Slovénie qui n’était qu’à la 15ème place l’année dernière et figure désormais sur la première marche du podium.
96% des 27 Etats membres ont indiqué avoir adopté une stratégie open data, parfois au sein de politiques publiques plus larges. Tous les Etats membres ont institué un organe dédié au pilotage de la stratégie open data. En parallèle, 89% des gouvernements comptent des fonctionnaires dédiés à l’open data. En Lituanie, toutes les institutions publiques doivent compter une personne responsable de l’ouverture des données de l’organisation. La France se distingue par la dualité d’acteurs présents au sein des ministères : Chief Data Officers et Open Data Officers.
Mais la théorie ne suffit pas, l’étude s’intéresse à la concrétisation (ouverture, réutilisation, coopération) de ces plans et à l’évaluation de leur mise en œuvre. 89% des pays indiquent que leur politique nationale d’open data comprend des mesures de soutien à leur réutilisation par le secteur public. Pour cet item, la France est prise en exemple. La circulaire relative à « la politique publique de la donnée, des algorithmes et des codes sources » du Premier ministre, Jean Castex, du 27 avril 2021 est mise en lumière. Elle affirme la stratégie gouvernementale française d’accélérer le mouvement de l’Open Data des données publiques notamment par la définition par chaque ministère d’une roadmap listant ses objectifs en matière de pilotage, ouverture, circulation et partage des données.
85% affirment également que des dispositions existent en faveur de la réutilisation par le secteur privé.
Le deuxième volet, « Open Data Impact »
La Directive (EU) 2019/1024 (souvent désignée Open Data Directive) est entrée en vigueur en juillet 2019. Elle constitue la référence en termes d’open data en droit de l’Union européenne et devait être transposée d’ici le 17 juillet 2021. Elle encourage les Etats membres à faciliter la réutilisation par le secteur public des données ouvertes en publiant des jeux de données à haut potentiel économique et sociétal.
Il peut s’agir du développement de solutions innovantes telles que les applications de mobilité urbaine ou de la transparence des institutions publiques par exemple. L’inventaire exhaustif des réutilisations étant techniquement impossible, l’étude se base sur la capacité des Etats membre à être averti, à favoriser, à structurer, à piloter et à évaluer les réutilisations.
96% des Etats membres sont dotés d’un processus pour estimer la réutilisation de l’open data dans leur pays, parfois des sondages, souvent des analyses utilisateurs. Ils recensent tous un intérêt accru pour les données ouvertes. En Estonie, la plupart des institutions collectent et réutilisent les données de leurs pairs grâce à une infrastructure d’échange nationale et sécurisée, X-tee. Le gouvernement dispose ainsi du nombre exact de requêtes effectuées par chaque institution. En Espagne, un sondage interroge les institutions publiques nationales, régionales et locales sur leur pilotage effectif.
L’étude porte une attention particulière à l’exploitation de l’open data comme atout de gouvernance. En de nombreux aspects, de la prise de décision à l’optimisation en passant par la réduction des coûts, l’ouverture des données peut profiter à la gouvernance. Seuls 56% des Etats membres considèrent que l’open data a un impact fort. 22% témoignent d’un impact moyen et 11% d’un impact faible.
Pourtant l’ouverture des données publiques peut servir non seulement l’Etat directement mais aussi ses instances décentralisées et ses citoyens.
Une approche citizen-centric, intégrant le citoyen dans le développement de nouvelles initiatives, ou en ouvrant un accès aisé à des informations particulièrement intéressantes pour lui, fait consensus dans l’ensemble des Etats membres. L’observatoire de la qualité des démarches en ligne de la Dinum est ainsi cité pour exemple. Celui-ci permet à tout citoyen de suivre la qualité de la numérisation des 250 démarches les plus utilisées sur 8 critères, dont la satisfaction et l’accessibilité. C’est un gage de transparence, mais aussi d’efficacité et d’optimisation des services publics.
85% des Etats membres affirment que l’open data est utilisée dans le processus de prise de décision dans leur pays, notamment dans la gestion quotidienne. En Grèce, la plupart des projets de loi et initiatives gouvernementales sont publiées sur une plateforme avant d’être soumis au Parlement. Chacun, citoyen ou organisation, peut ainsi commenter, suggérer des modifications ou critiquer, article par article, le texte.
La maturité affichée de la France sur l’utilisation de l’open data comme outil de gouvernance nous laisse perplexes. Dans la réalité, si l’open data français est particulièrement riche, rares sont les élus et institutions qui l’utilisent dans le management quotidien de leurs services publics. Preuve en est la commission d’enquête du Sénat sur l’influence des cabinets de conseil sur les politiques publiques. L’accessibilité de l’open data doit rimer avec autonomie des autorités. La libéralisation des données publiques devrait avoir pour effet de rendre leur exploitation tellement facile qu’elle ne nécessite pas de faire appel à des entités extérieures très coûteuses. Une fois les élus et services acculturés et formés, l’open data est un levier extraordinaire d’autonomie et de réactivité.
L’impact social de l’open data est étudié dans trois secteurs majeurs : la santé et le bien-être, le logement, et l’inclusion de groupes marginalisés.
La pandémie actuelle a accru l’intérêt pour le premier secteur et permis d’en démontrer l’opportunité et les exploitations concrètes.
En 2021, la part des Etats membres indiquant que l’exploitation de l’open data a un impact fort sur l’inclusion des groupes marginalisés au sein de la société a bondi de 11%. C’est notamment les personnes handicapées qui bénéficient de réutilisation.
Le deuxième secteur nous intéresse particulièrement. L’open data est considérée par une majorité des Etats membres (63%) comme un facilitateur de décision pour le citoyen qui bénéficie d’information sur son lieu d’habitation et la situation économique du territoire. L’habitat fait l’objet de nombreuses applications, notamment en Suède sur les permis de construire ou aux Pays-Bas sur la vacance des logements. S’agissant de la France, les données liées au logement sont multiples et pas toujours cohérentes (voir article medium). L’étude des données relatives aux demandes de logements sociaux imposent de relativiser la réutilisabilité de données et leur qualificatif de données ouvertes (voir article medium).
S’agissant de l’impact environnemental, 74% des Etats membres déclarent que des acteurs du secteur public agissent afin de piloter une stratégie effective. L’inventaire des données dont l’ouverture est nécessaire, réalisé dans le cadre de la loi française relative à la lutte contre le gaspillage est prise pour exemple. Un site internet et des ateliers de travail pour favoriser le dialogue entre les parties prenantes est annoncé. Par ailleurs, l’initiative de transport.data.gouv.fr est saluée en ce qu’elle permet de centraliser les données publiées et permet un accompagnement des différentes administrations dans l’ouverture de leurs données liées au transport.
Le troisième volet “Open data portal” tend à témoigner de la capacité des portails nationaux mis en place à permettre l’accès à tout public aux informations libéralisées.
Les 27 Etats membres disposent d’un portail national disponible sur smartphones et ordinateurs. En nombre absolu, le portail français compte le plus de visiteurs uniques (1 million), ce qui représente près d’1.5% de la population totale. C’est le record des pays étudiés.
Open data maturity report – 2021
Cependant, le nombre de visiteurs étrangers par rapport au nombre total de visiteurs est bien inférieur sur le portail français par rapport au portail autrichien par exemple. Or c’est un indicateur de l’attractivité du pays et de la réutilisabilité des données ouvertes.
Par ailleurs, l’usage accru d’API, qui suggère que la réutilisation de l’open data est automatique, est particulièrement important en Pologne, au Luxembourg et au Danemark où cela représente 50% du trafic généré par les portails. Pour la France, l’usage d’API représente 37% du trafic. Ce qui ne l’empêche pas de figurer en tête du classement des pays selon la maturité de leur portail (98%), devant la Pologne (97%) et les Pays-Bas (96%).
Le dernier volet, « Open data quality », évalue les mesures adoptées pour assurer la qualité des données, notamment les métadonnées, la conformité au standard européen DCAT pour faciliter l’interopérabilité entre les catalogues de données publiés sur le web, les formats utilisés, …
Les métadonnées et leur actualisation constituent un des enjeux majeurs de la qualité des données. En effet, elles sont gages de leur utilisation puisqu’elles délivrent les informations nécessaires à leur exploitation. Dans 6 Etats membres, l’actualisation de 100% des métadonnées sur le portail national est automatique. Ce n’est pas le cas de la France, or cela représente une perte de temps et un risque d’erreurs humaines importants.
La facilitation de l’exploitation automatique des données passe par l’actualisation systématisée des métadonnées et la multiplication des API. Si l’open data est ré-utilisable par la machine comme par l’homme, les données deviennent un atout d’attractivité pour le pays.
L’accompagnement des producteurs de données est mené en France par Etalab. Depuis 2021, ce dernier propose ‘publier.etalab.studio’, un outil pour assister les utilisateurs du portail dans la publication structurée de leurs données. Avec la diffusion régulière de guides dédiés aux aspects légaux, techniques ou organisationnels, cela participe à la démarche qualitative de l’open data français.
La qualité semble être la dimension où les évolutions sont les plus lentes. Bien que la France affiche la plus grande maturité sur ce volet également (94%), des marges de progression subsistent. L’étude précise des différents critères du volet qualité montre notamment que la France est moins mature que certains des Etats membres pour la diffusion et l’exhaustivité, ou la qualité du déploiement.
Les données ouvertes sur le portail français sont multiples et de qualité inégale. Certains jeux de données nécessitent d’être redressées à plus 60%. La contrainte légale d’ouverture doit être assortie d’une sensibilisation et d’une formation des producteurs aux enjeux de réutilisation notamment.
La maturité des mentalités doit suivre la maturité technique.
Depuis l’année dernière, pour les quatre aspects étudiés, le niveau moyen de maturité est supérieur. Cela témoigne d’une volonté commune de tous les Etats membres d’intensifier leurs efforts et de leur appropriation de la norme européenne.
La crise sanitaire liée à la COVID-19 a accentué l’intérêt pour l’open data et mis en lumière la valeur et l’impact de la libéralisation d’informations publiques.
La valeur de l’Open Data français aurait été chiffrée à hauteur de 28 milliards d’euros en 2019.
Open data maturity report – 2021
Une méthode révisée dès 2022
Cette étude vise à soutenir le développement de l’open data dans les Etats membres et de partager des bonnes pratiques.
La méthode utilisée évolue d’année en année pour offrir un éventail de plus en plus complet et représentatif des politiques nationales et de leurs applications concrètes. Chaque année, les informations sont collectées grâce à un questionnaire transmis aux interlocuteurs nationaux de la Commission européenne sur 4 volets : les politiques publiques, …
Parce que d’elle dépend un pan immense des objets connectés et du marketing actuel, la libéralisation de données en temps réel est un des enjeux majeurs de la future règlementation européenne et fait l’objet d’une attention particulière dans l’étude.
Pour conserver sa première place, la France peut s’inspirer des expériences de ses voisins européens, des retours de ses entreprises et des expérimentations réalisées dans les territoires.
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