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Et si on essayait les libertés locales ?


Tribune de Jean Dumonteil, secrétaire général du Global Local Forum



Pour animer le grand rituel électoral quinquennal, plusieurs candidat-e-s à la présidentielle s’épuisent à un nouvel exercice de meccano institutionnel en appelant à un acte III de la décentralisation qui ressemble au Grand soir que promettaient au siècle dernier les idéologues révolutionnaires.


Mais cela ne paie plus. D’ailleurs, nos concitoyens ne savent même pas ce qu’est la décentralisation, confondant dans un même ensemble les délocalisations, la déconcentration et la décentralisation, et quelques esprits chagrins dont je fais partie, osent même affirmer qu’on se paie de mots, car la décentralisation quarante après les lois Defferre reste sérieusement corsetée par l’appareil d’État. Cet état de fait appartient à la culture politique française qui marie dans un fertile paradoxe constitutionnel l’État unitaire garant d’égalité et la proclamation de son organisation décentralisée.


À cet égard, le succès de l’expression “maire-préfet“ qui serait la nouvelle martingale des politiques publiques fait florès depuis la crise sanitaire. On en viendrait presque à se demander comment les pays européens voisins qui n’ont pas d’administration préfectorale ont fait face à la Covid-19.


Depuis quarante ans, on transfert partiellement des compétences aux collectivités territoriales, les services de l’État vivant tout transfert comme une amputation et une prise de risque pour la démocratie. L’éducation nationale est le plus fort bastion des conservatismes : on se souvient encore du transfert des TOS en 2004, ces personnels techniques des collèges et lycées, que les syndicats enseignants voulaient empêcher car ils allaient être “soumis à l’arbitraire des élus locaux“.

Faut-il encore rappeler l’état lamentable du patrimoine scolaire quand il était piloté depuis le ministère qui avait inventé les collèges Pailleron ? Dans beaucoup de pays d’Europe du Nord, les personnels enseignants sont gérés par les collectivités locales (les programmes restant nationaux) et ça marche mieux qu’en France.


On pourrait multiplier les exemples. L’actualité s’est focalisée récemment sur les Ehpad et on a pu constater l’échec de la double tutelle entre les services des conseils départementaux et les agences régionales de santé. Personne ne contrôle vraiment ces établissements. Quand tout le monde est responsable, personne ne l’est en réalité ! La politique du grand âge est un puzzle administratif qui ne satisfait personne et en premier lieu les familles. Là encore, regardons ce qui marche ailleurs.


Au Pays-Bas, au Danemark, en Suède, au Japon, il y a une seule porte d’entrée : les services municipaux, avec un personnage pivot affecté à chaque bénéficiaire, un “care manager“ qui gère la coordination de tous les intervenants et adapte la réponse et ses financements à l’évolution de la personne aidée.

Sans illusion sur la possibilité de réformes venues d’en haut, essayons l’innovation à la base. Oublions le grand soir fantasmatique de la décentralisation, et faisons vivre les libertés locales en utilisant le levier de l’expérimentation qu’offre la toute nouvelle loi Gourault 3DS, comme différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification.


Elle offre la possibilité aux élus locaux de mettre en œuvre des formules innovantes et de nouvelles répartitions de compétences entre échelons politiques et administratifs. Petite loi avec de grands effets, si les acteurs locaux veulent bien s’en saisir pour accroître concrètement le champ des libertés locales.


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