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Entretien avec Pieyre-Alexandre Anglade

Entretien avec Pieyre-Alexandre Anglade, député des Français établis hors de France (Renaissance) et président de la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale.



Vous présidez la Commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale qui a publié un rapport d’information, dont vous êtes co-rapporteur, sur « les suites de la conférence sur l’avenir de l’Europe ». Pouvez-vous revenir sur l’exercice inédit qu’était la Conférence sur l’avenir de l’Europe ?


La Conférence sur l’avenir de l’Europe est un succès démocratique sans précédent dans l’histoire de l’Union européenne. Nous la devons à Emmanuel Macron qui en a pris l’initiative dès 2019 et en a annoncé la conclusion le 9 mai 2022 à Strasbourg devant le Parlement européen pendant la présidence française de l’UE.


L’idée était d’associer les parlementaires nationaux, européens et des panels de citoyens pour prendre le pouls de notre Europe et de définir ensemble les grands chantiers d’avenir pour des institutions européennes plus efficaces et plus démocratiques.


Aujourd’hui le rapport de la Conférence ne doit pas se cantonner à un exercice de style. Je me réjouis que le programme de travail de la Commission européenne pour 2023 reprenne des recommandations du rapport de la Conférence. C’est un premier pas mais il est crucial de transformer l’essai.

La Conférence sur l’avenir de l’Europe se présentait comme un effort d’association des citoyens de l’Union à la prise de décision européenne. En ce sens, la Conférence a-t-elle été satisfaisante ? Comment rendre cette dynamique d’association des citoyens durable ?

Depuis le discours de la Sorbonne en 2017, Emmanuel Macron a un objectif : « rendre l’Europe aux citoyens » et ne pas faire « l’Europe en chambres », loin des peuples. Il aurait été inconcevable de faire la Conférence sur l’avenir de l’Europe sans eux. C’était un pari, aujourd’hui c’est une réussite.


Sans remplacer la démocratie représentative, l’apport de la démocratie participative est essentiel : elle agit comme un aiguillon qui pousse à se réinventer. Il y a une appétence des citoyens dans tous les États membres, pour une plus grande participation citoyenne.


Pourquoi ne pas imaginer de pérenniser l’apport des panels citoyens dans certains domaines ?


Le président de la République disait son souhait de « prendre le pouls du continent » à travers cette consultation. À la lecture de ses conclusions, quel est-il ?

Le rapport final nous livre un témoignage précieux : les citoyens veulent « Plus d’Europe ». Ils appellent à une consolidation de la place des politiques européennes dans l’ensemble des domaines de l’action publique, je pense par exemple à la santé.

Plus d’Europe, cela veut dire un approfondissement démocratique des institutions, plus d’Europe cela veut aussi dire une meilleure protection de nos concitoyens dans un contexte international ponctué par les crises.

Les participants à la Conférence ont placé des attentes très élevées dans l’Union européenne et lui attribuent des objectifs particulièrement ambitieux. Les institutions européennes, obligées par cette confiance, doivent maintenant trouver la voie d’un compromis politique qui puisse doter l’Europe de demain de prérogatives suffisantes pour relever l’ensemble des défis climatiques, économiques, numériques, sanitaires, migratoires et sécuritaires.

Il existe un certain désaveu démocratique de l’Union européenne par ses citoyens. Quelles en sont les raisons ? Comment y remédier ? Par la « révolution européenne » que vous appelez de vos vœux ?


L’Europe a parfois pu donner le sentiment à ses citoyens qu’elle se faisait sans eux, malgré eux. Les démagogues et les extrêmes ont fait de ces failles leur fonds de commerce en distillant dans le débat public que l’Europe était irréformable.


C’est pourtant l’inverse que notre engagement pour l’Europe depuis 2017 avec Emmanuel Macron démontre. Et c’est le contraire que les conclusions de la Conférence pour l’avenir de l’Europe souhaitent.


Cette révolution européenne que l’on appelle de nos vœux doit permettre aussi bien d’envisager le changement des traités que la refonte de l’ensemble des grandes politiques sectorielles et historiques.


Il faut revenir devant les peuples pour rendre l’Europe aux citoyens et obtenir la validation démocratique d’un nouveau projet européen.

À l’approche des prochaines élections européennes, renouer avec le système du Spitzenkandidat n’est-il pas judicieux ?

Les citoyens européens doivent pouvoir choisir les dirigeants européens.


Mais il faut mettre les choses à l’endroit : ce sont les listes transnationales qui sont le préalable au Spitzenkandidat, sinon ce seront les partis qui décideront et non les citoyens.


Sans relâche depuis 2017, avec le président de la République nous œuvrons pour : l’Allemagne est désormais d’accord, c’est un premier pas décisif.


Vous défendez que le renouveau du projet européen passera nécessairement par une révision des traités. Pourquoi ?

Au regard des conclusions de la Conférence pour l'avenir de l’Europe, le changement des traités s’avère plus que nécessaire : c’est la phase institutionnelle de la révolution européenne au service de la mise en œuvre d’un projet politique pour notre Union.


D’abord, pour renforcer la démocratie européenne en donnant davantage de prérogatives aux citoyens et aux représentants au Parlement européen. Ensuite, pour rendre l’Europe plus efficace et efficiente, nous devons nous concentrer sur d’autres modalités dans le processus de prise de décisions.


Face aux crises, l’Europe a su réagir en dépassant ses dogmes mais parfois en apportant une réponse trop lente. Face aux autres puissances, nous devons être collectivement capables de répondre plus rapidement aux impératifs de notre temps. Nous sommes également convaincus de la nécessité de revoir la règle de l’unanimité qui opère sur un certain nombre de politiques communes. Aujourd’hui, il est impensable qu’un État puisse, à lui seul, bloquer des avancées pour les 27.


En revanche, la nécessaire refonte des traités ne doit pas être un prétexte pour ne pas agir « en attendant le big bang ». Le recours aux clauses passerelles nous donne de la souplesse, à traités constants, pour nous réformer et accueillir au mieux l’Ukraine, la Moldavie, la Géorgie ou bien les pays des Balkans occidentaux. L’Europe de demain se prépare aujourd’hui.


Vous vous positionnez également en faveur de l’élargissement de l’Union. Pourquoi ?

L’Union européenne a vocation à s’élargir pour rester un échelon incontournable dans un monde en pleine mutation.


Dans un contexte géopolitique troublé, marqué par une puissance chinoise en quête de nouvelles alliances, un protectionnisme assumé de la part des États-Unis et le retour de la guerre sur notre continent, nous, Européens, avons plus que jamais besoin d’Europe.


L’Europe de 2030, l’Europe à plus de 30 ne sera pas l’Europe que nous connaissons aujourd’hui. La révision des traités est indispensable pour permettre une Europe plus unie, plus forte et plus démocratique.


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