Interview d’Olivier Marleix, Président du groupe Les Républicains à l’Assemblée nationale
La coalition présidentielle n’a obtenu qu’une majorité relative à l’Assemblée nationale à l’issue du second tour des élections législatives, le 19 juin dernier ; c’est une première depuis la mise en place du quinquennat, en 2002. Les pratiques gouvernementales et législatives vont devoir se réinventer. Quelle est votre analyse ?
Cette situation est le résultat d’un précédent quinquennat basé sur le « en même temps ». On paie aujourd’hui les limites de l’exercice… Aucune réforme structurelle, dette et déficit abyssaux, absence de vision à long terme… C’est le gouvernement, plus que les pratiques législatives, qui doit se réinventer !
L’abstention, à 53,86 %, atteint un niveau inédit pour un second tour d’élections législatives sous la Ve République. La proportion d’électeurs ne votant pas aux législatives n’a fait que progresser depuis le scrutin de 1993, passant de 31 % cette année-là à 51,3 % en 2017. Pensez-vous que le non-cumul des mandats, la « déterritorialisation » du législateur, soient l’une des raisons de cette désaffection ?
Le non-cumul des mandats contribue certainement à éloigner les parlementaires du terrain et de leurs électeurs. On a bien vu les débuts chaotiques des députés « en marche » sous la précédente législature et l’incapacité du Président de la République à enraciner des élus (voir les échecs successifs de LREM aux élections locales).
Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier Ministre, a proposé de revenir à la méthode qu'il préconisait déjà quand il était à Matignon : les « 3D », «diagnostic, dialogue, décision». Car « la réforme a un rythme, on ne peut pas bousculer le pays », dit-il. Un conseil que le Président de la République devrait écouter d’après vous ?
Durant 5 ans, la communication a primé sur les réformes, 5 ans de perdus pour réformer notre pays qui ne cesse de régresser au niveau européen et mondial, 5 ans à ignorer les élus locaux et les partenaires sociaux, à gérer le pays de façon verticale… Les « grands débats » ne peuvent remplacer un véritable dialogue social. Mais « Jupiter » peut-il changer… J’en doute.
Après des semaines de tergiversations, les avertissements de François Bayrou, Emmanuel Macron a finalement consenti à différer sa réforme des retraites jusqu’à la fin de l’année, le temps de consulter les syndicats et les partis politiques. Et en même temps, Olivier Dussopt a déclaré « qu’Emmanuel Macron n'exclut pas une dissolution en cas de censure à l'Assemblée nationale »… Dialogue ou menace ? Comment analysez-vous cette séquence ?
Différer encore les réformes, menacer de dissolution, c’est pour moi la marque que ce gouvernement n’a ni boussole, ni courage politique….
Vous vous situez dans une opposition parlementaire « constructive et raisonnable » dans un souci d’intérêt national et vous avez obtenu gain de cause sur de nombreux sujets. Quels vont être les points de divergence avec le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 ?
Nous avons fait beaucoup de propositions d’économies et de réformes dans ce projet de loi de Finances mais nous doutons qu’elles soient retenues, et nous dénonçons la dérive des comptes publics, le dérapage de la dette et l’absence de réformes structurelles.
Vous avez proposé, le 6 septembre dernier, la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le nucléaire. Comment peut-on aujourd’hui relancer la souveraineté énergétique française, sans remettre en question la solidarité du « couple franco-allemand » ?
De quelle solidarité franco-allemande parle-t-on ? Alors que nous avons sacrifié notre énergie nucléaire décarbonée et peu chère ? Tout l’objet de cette commission d’enquête sera de faire la lumière sur les raisons de notre perte de souveraineté dans ce domaine.
Dans la dernière ligne droite de la campagne des législatives italiennes, Ursula von der Leyen, a évoqué les « instruments » dont dispose la Commission européenne si, en Italie, à l'instar de la Pologne ou de la Hongrie, les « choses vont dans une direction difficile ». Considérez-vous que cette intervention de la Présidente de la commission européenne dans le cadre d’un scrutin national soit nécessaire et légitime ?
Il me semble que ce n’est pas dans les compétences de la Présidence de la Commission Européenne de prendre position sur des élections nationales, la plupart des commentateurs s’accordent pour dire que cette déclaration était maladroite.
La guerre en Ukraine et ses conséquences, notamment la flambée des prix de l'énergie, fait ralentir la croissance et planer le risque d'une récession. Une inquiétude d'autant plus forte que, pour endiguer l'inflation, la Banque centrale européenne a procédé à une série de relèvement de ses taux directeurs. Quelles mesures concrètes pourriez-vous suggérer pour protéger les Français ?
Nous avons fait voter en juillet une aide exceptionnelle pour limiter le prix du carburant à la pompe et nous poussons une réforme structurelle du marché européen de l’énergie.
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