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Biens communs, de quoi parle-t-on ?

Tribune de Jean Dumonteil



Bien commun, sens commun au singulier, ou « les » communs au pluriel, le mot a émergé dans les débats sans qu’on s’attarde vraiment sur sa signification. Bref, c’est devenu un mot-valise qui permet de transporter, au choix, une réponse alternative à la financiarisation de la vie publique, ou une nouvelle approche de l’intérêt général, l’idée étant toujours de retrouver une dimension collective ou de se projeter dans un futur partagé possible. Derrière les mots, quelle réalité ?


Propriété collective, gouvernance partagée, les communs sont ces ressources gérées collectivement par une communauté. Historiquement, cette notion renvoie au local. Dans la société médiévale, les communaux désignaient la propriété collective de la communauté villageoise ou un droit d’usage collectif sur des propriétés privées. En France, les sections de commune (entre 30.000 et 100.000 selon les estimations) sont encore aujourd’hui les héritières de cet usage villageois que la Révolution n’a pu abolir et que la République continue de respecter, même si une loi de 2013 interdit la création de nouvelles sections de commune. Dans certains départements, notamment dans le Massif central, ce système de propriété, composé de forêts, terres agricoles et pastorales, continue à ouvrir aux habitants des droits d’usage quotidien (eau, bois de chauffage, pâtures, alimentation…).


L’article 714 du Code civil, inchangé depuis 1803, précise qu’ « il est des choses qui n'appartiennent à personne et dont l'usage est commun à tous. Des lois de police règlent la manière d'en jouir. » Les choses sans maître comme l’air, la lumière, l’eau, des ressources pas forcément inépuisables mais indispensables. Comme il y a un patrimoine commun à l’humanité, les fonds marins ou l’Antarctique, il y a un patrimoine commun de la Nation, l’eau, « les espaces, ressources et milieu naturels, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent »


Un bien commun comme un cours d’eau, un fleuve ou une rivière, contribue à l’irrigation, la navigation ou la production d’électricité. C’est toute la question de la gestion des ressources, surtout quand elles sont limitées comme pour l’eau en période de sècheresse, avec les interdictions d’arrosage ou de remplissage des piscines. Qui a le droit de mobiliser l’eau des nappes phréatiques pour un usage exclusif à partir de méga-bassines ? Avec la raréfaction des ressources, leur partage redevient une grande affaire. Ces ressources sont à nouveau perçues comme UN bien commun, et les meilleures façons de les valoriser peuvent contribuer à la création DES biens communs, au profit de tous.


Dans un pays comme la France où la culture d’État est très forte, on confond encore trop souvent les biens communs avec les biens publics. Nos grands juristes du droit public ont montré comment, au XIXe siècle, l’État avait préempté le commun pour s’en arroger le monopole. La politiste Elinor Ostrom, prix Nobel d'économie 2009 a éclairé à travers ses commons studies les perspectives nouvelles offertes par la vieille idée aristotélicienne du bien supérieur qu’est le bien suprême de la communauté. Les communs ouvrent à de nouvelles formes d'engagement, d'organisation et de coopération, et surtout, selon l’économiste, ils peuvent être plus efficace que l’État ou les marchés. Aujourd’hui, certains identifient les communs du côté de l’open data ou des logiciels libres, d’autres dans le mouvement coopératif, dans les mutuelles et plus généralement dans l’économie sociale et solidaire. Quels sont ces nouveaux communs ? Des espaces urbains transformés en jardins partagés par les habitants, les textes des contributeurs à l’encyclopédie Wikipédia, des logiciels libres ou des semences libres…


« Ce n’est pas un hasard si les termes de “commune“ et de “commun“ contiennent la même racine. À taille humaine, la commune constitue le lieu d’élection de la mise en œuvre du commun, observe l’économiste Édouard Jourdain : Plusieurs mouvements dans le monde mobilisent la notion de commun pour réinvestir démocratiquement la ville, rejoignant ainsi la notion de municipalisme qui consiste pour les habitants à se réapproprier les choses communes qui ont pu être préemptées par des autorités publiques ou des entreprises privées ». L’Italie est plus avancée que la France dans ce domaine. À l’initiative des habitants, des expériences participatives ont été lancé à Naples puis à Bologne, première ville à adopter un règlement sur la collaboration entre citoyens et administration pour le soin et la régénération des biens communs urbains.


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