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« Au-delà d’un improbable exode urbain, la nouvelle ruralité qui s’invente »


Tribune de Jean Dumonteil, secrétaire général du Global Local Forum



« Petits flux, grands effets » : c’est la conclusion de la vaste enquête du Popsu (plateforme d'observation des projets et stratégies urbaines) intitulée Exode urbain qui a mesuré les effets de la pandémie sur les choix d’installation de nos concitoyens. L’expérience des confinements les avait-elle incités à fuir les métropoles au profit des petites villes et des communes rurales ? Les équipes de sociologues et géographes qui ont analysé des milliers de données constatent qu’il n’y a pas eu de déferlement massif des urbains dans les campagnes mais bien un regain d’attractivité qui s’est traduit dans les prix de l’immobilier avec une grande diversité de profil de territoires et de profil de ménages. Les grands gagnants sont les communes rurales et les petites villes. Le solde migratoire de Paris et des grandes villes qui était déjà négatif s’est creusé. Cet attrait du rural a tiré les prix de l’immobilier à la hausse depuis le début de la crise sanitaire. Certains territoires jusque-là en déclin démographique se sont soudainement retrouvés en tension, comme nombre de communes de l’ouest breton et normand. Le même phénomène s’observe dans le Massif central.


« Des processus déjà à l’œuvre qui se sont renforcés », explique Marie Breuillé, chercheuse en économie à l’INRAE, « on observe un processus de rééquilibrage de la hiérarchie urbaine, autrement dit le déménagement de davantage de ménages dans des villes de tailles plus petites. Le constat est fait pour toutes les catégories de villes, des métropoles vers les villes moyennes, des villes moyennes aux petites villes, des petites villes aux communes rurales ».


« Le covid a accentué des flux qui existaient déjà », estime Hélène Milet, responsable du programme Territoires au Popsu, mais l’accélération change la donne. "Quand une petit ville ou un bourg centre gagne 10 ménages, ça peut tout changer, ce sont des petits flux mais avec de grands effets potentiels. » L’arrivée de quelques familles avec enfants, ce sont des classes qui ne fermeront pas, de la vie sportive ou culturelle qui reprend. Cécile Gallien, maire de Vorey-sur-Arzon (1.500 hab., Haute-Loire), vice-présidente de l’Association des maires de France, partage ce constat : « Il n’y a peut-être pas eu d’exode massif, mais dans nos communes, ces déplacements de population ont un énorme effet. Parmi les actifs, les ménages s’investissent dans les nouvelles pratiques agricoles, dans le numérique pour peu qu’on ait un réseau de téléphonie mobile et d’internet correct. Pour nous, c’est de la vie, ce sont des bénévoles qui participent à la vie locale. Pour que cela marche, il faut que les modes de vie fassent bon ménage. Il y a une envie de campagne. »


Dans cette nouvelle ruralité qui s’invente, le profil des néo-ruraux s’est transformé. On est loin des néo-ruraux des années post 1968 portés par des utopies pas toujours réalistes. Ceux qui s’installent aujourd’hui dans les communes rurales ont des projets sérieux et souvent ambitieux. Ils sont les entrepreneurs de leur propre vie, d’une aventure familiale et professionnelle exigeante. Jean-Laurent Cassely, co-auteur avec Jérôme Fourquet de “La France sous nos yeux“ parle de « quête de sens spatial et territorial », d’une génération « bac + 5 et C.A.P. de cuisine ». C’est pour lui la confirmation de “la Révolte des premiers de la classe", titre d’un livre qu’il a réédité en fin d’année dernière.


Pour paraphraser Lénine disant que le communisme, c’était les soviets plus l’électricité, parions que la nouvelle ruralité sera la campagne plus internet. Mais cela suffira-t-il ? Pour accompagner ce phénomène de reconquête populationnelle de la campagne française, il faut en renforcer l’attractivité car il existe plusieurs types de ruralités. Certaines sont plus dynamiques que d’autres et supposent d’être soutenues pour garantir un aménagement du territoire adapté aux besoins de la population.





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