Interview de Monsieur Jean Michel Lattes, Président de Tisseo, Vice-Président de la Métropole de Toulouse, adjoint au Maire de Toulouse.
Le Président de la Métropole, Jean-Luc Moudenc, s’est félicité du lancement de Téléo. « Il y a eu des aléas, mais on a tenu bon. On a un très très beau projet, on peut être fier, parce que c’est le plus important et le plus long des téléphériques urbains en France », a-t-il déclaré. Tout est-il dit dans cette déclaration ?
A Toulouse, le plus long téléphérique urbain (trois kilomètres) a pris son envol. Il relie désormais l’université Paul Sabatier à l’Institut universitaire du cancer Oncopole, via le centre hospitalier de Rangueil. Quel est l’historique de ce projet ? Si l’on fait référence à la planification des transports, la question du franchissement de la Garonne et de la colline de Pech David a été posé par le Schéma Directeur d’Aménagement du territoire de 1997, afin d’assurer une liaison routière entre l’A64 et l’A61. Mais l’obligation de réduire le trafic automobile, imposée par le code des transports au titre des plans de déplacement urbains, a conduit Tisséo Collectivités à étudier les différentes solutions pour relier depuis la route d’Espagne la ligne B du métro par un système de transport en commun. La première réflexion du premier PDU, élaboré en 2001, n’était pas mûre, puisqu’il était seulement prévu, depuis le projet de ligne B, de réaliser une antenne métro pour desservir le CHU Rangueil. Sur la route d’Espagne, seul était programmé un site propre bus (qui a été réalisé depuis). En 2006, en amont de la révision du PDU, la question se repose à nouveau, en lien avec l’émergence du projet urbain de requalification du site d’AZF, nécessitant d’établir un lien en transport en commun plus direct entre le CHU et le futur centre de recherche contre les cancers, ainsi qu’avec l’Université Paul Sabatier qui accueille les formations médicales. Cela se traduira par l’inscription d’un transport public par câble aux PDU 2012 et au Projet Mobilités 2020.2025.2030 du projet de téléphérique urbain.
Cet équipement répond à un besoin de mobilité dans une zone qui accueille de plus en plus de personnes. 8000 voyageurs pourront être transportés chaque jour. Considérez-vous ce mode de transport comme un outil de décloisonnement d’une partie de la Métropole de Toulouse ?
Si la Garonne est une coupure naturelle, qu’il faut franchir en créant des infrastructures conséquentes, la prise en compte de la zone inondable, des ballastières et de la topographie du site avec la colline de Pech David enclavait cette partie du territoire : son accès nécessitait un grand détour en utilisant les routes existantes. En transport en commun, ce trajet pouvait être complexe et imposer des ruptures de charge. Téléo répond à ce besoin de désenclavement de ce secteur, facilitant les déplacements entre les deux rives de la Garonne par un mode de transport rapide et fiable. Il va répondre particulièrement à des besoins de déplacements plus professionnels entre l’Université scientifique, le CHU et l’Oncopole, trois entités qui travaillent ensemble.
Mode de transport très efficace pour assurer le franchissement de dénivelés ou de coupures urbaines, le transport par câble aérien en milieu urbain, en tant que service de mobilité du quotidien, est encore peu déployé en France. Pour quelle raison selon vous ?
En France, un grand nombre de téléphériques existe, mais très majoritairement en zone de montagne contrairement à certains pays où il existe des réseaux de transports en commun constitués de plusieurs lignes de téléphériques. lI s’agit de capitales situées dans des zones de fort relief, comme La Paz, Medellin et Bogota par exemple. En France, les politiques publiques de mobilités se sont davantage développées sur les modes souterrains et terrestres, dont l’intérêt est de contribuer à des projets urbains et de requalification de l’espace public. Cela peut expliquer aujourd’hui la faible présence du mode aérien dans les solutions de mobilité. Il a pourtant, comme le montre Téléo, toute sa place dans les réponses qui peuvent être apportées aux territoires.
L’agglomération de Toulouse a fait l’objet d’une forte croissance démographique, économique et urbaine ces dernières années. Vous êtes président de la régie de transport Tisséo. Comment répondez-vous à ces enjeux et de quelle manière anticipez-vous la mobilité de demain ?
Depuis plusieurs décennies, l’agglomération toulousaine doit relever le défi de la croissance démographique : 15 000 habitants en moyenne par an sur ces dix dernières années, 6000 à 7000 emplois créés ….. Cela amplifie les besoins de mobilité dans une agglomération qui n’a pas cessé de grandir au fil des ans.
Pour Tisséo Collectivités, il est nécessaire de travailler avec les collectivités en charge de la planification urbaine, afin d’appréhender à son plus juste niveau l’organisation des territoires : capacité d’accueil démographique, nombre de logements à prévoir, besoins en équipements et services, positionnement des zones d’habitat et économiques, projets routiers, ….
A partir de ces éléments, Tisséo est en capacité d’appréhender l’évolution du réseau selon deux approches : d’une part à court/moyen-terme avec l’adaptation du réseau (modification des horaires, nouveaux arrêts bus, renforcement des lignes, …), d’autre part, à moyen/long-terme en étudiant et en planifiant de nouveaux services. C’est grâce à ces approches planificatrices que se sont déployés progressivement depuis 2015 le réseau Linéo, la mise en service de Téléo en 2022, et les prochaines mises en service des projets métro Connexion ligne B en 2027 et troisième ligne de métro en 2028.
Nous devrions enclencher prochainement des études, afin d’identifier les besoins de mobilité émergents et envisager des scénarios d’évolution du réseau Tisséo au-delà de 2030.
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