Jean DUMONTEIL
(à paraître aux Éditions de l’Aube, le 6 octobre 2023)
Faire l’éloge du local, c’est d’abord un plaidoyer allegro pour que vivent davantage les libertés locales dans notre pays. Le local est notre point de jonction avec le réel. Il possède une simplicité qui n’est ni banale, ni ordinaire. Quand tout s’individualise, se fractionne, le local est la seule chose que nous avons encore en partage. On ne reconstruira la politique dont tant de nos contemporains se défient, qu’à partir du local, de la commune, de la communauté locale. Redécouvrons la vie à hauteur d’homme, à échelle humaine. Le local, c’est là où on a droit de cité, là où on peut encore changer les choses, mener des projets et en mesurer les résultats, concrètement, “en présentiel“, loin des politiques nationales devenues virtuelles.
Le local n’est pas une pensée régressive, c’est la connexion au réel de nos vies, le lieu de la rencontre et du projet. À l’opposé de la politique nationale en spectateur, des tweets anonymes vengeurs et des passions tristes. Face à la défiance généralisée envers les institutions, c’est là qu’on peut refonder la politique, là où on reprend pied. Plus que jamais, si les problèmes sont globaux, les solutions sont locales.
La crise sanitaire du Covid-19 a été un crash-test pour l’organisation administrative française. L’État, omniprésent mais impotent, ne peut pas tout, pas tout seul. Et pourtant la décentralisation actuelle, façon puzzle, révèle la défiance de l’État envers les pouvoirs locaux. Subsidiarité et autonomie, les libertés locales restent encore à conquérir dans notre pays. Ce n’est pas un hasard si les pays d’Europe du Nord où les collectivités territoriales ont le plus de compétences, là où les villes jouissent d’amples marges d’action dans l’urbanisme, l’énergie ou le développement, sont les plus avancés dans la lutte contre le dérèglement climatique.
Les modèles verticaux ont échoué, le futur souhaitable s’écrit dans les flux et les réseaux interconnectés dans tous les domaines : politique environnementale, autonomie énergétique, projets alimentaires, lien social, âges de la vie. L’autonomie n’est pas l’autarcie mais l’interdépendance et la solidarité dans la complémentarité entre urbain et rural, métropoles et petites villes. À la différence d’autres pays européens, la France est irriguée par des centaines de petites villes qui maillent le territoire et où s’invente une nouvelle urbanité.
Dans notre société en réseau, le local construit des ponts, non des murs
Le local, c’est une idée qui vient de loin, du Small is beautiful de Schumacher à L’Enracinement de Simone Weil, d’Ivan Illich à Edgar Morin, c’est un projet de civilisation. Pas seulement politique, c’est une philosophie, un art de vivre, le lieu de la rencontre, de l’altérité et de la fraternité. À échelle humaine, à hauteur d’homme, c’est dans cette proximité que peuvent se retisser les liens à tous les âges de la vie, en donnant droit de cité à chacun dans une société qui vieillit, en ayant le souci des générations à venir.
L’ancrage local n’est pas une assignation à résidence. Nous avons tous besoin d’un nid, pas d’une cage. Par définition, le nid est le lieu de la transmission et du renouvellement, là où se crée la vie. C’est aussi et surtout l’endroit d’où on prend son envol.
Dans notre société en réseau, ce local construit des ponts, non des murs. C’est un projet de civilisation. De quoi réconcilier les citoyens en associant proximité et ouverture pour, de nouveau, faire société et retrouver le goût de la politique et embrasser les mutations en cours.
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